vendredi 30 décembre 2011

Soirées ciné

Il est temps de ranger la crèche jusqu'à l'année prochaine. 
La nouvelle année approche... puis les partiels... puis une semaine de vacances (du 9 au 15 janvier) où l'Amicale ne va pas rester les bras croisés. Que diriez-vous par exemple d'une ou deux soirées ciné-popcorn à la salle Vincent ?  
On dispose d'une télé, de canapés et d'un lecteur de DVD. Le popcorn, on s'en occupe. Alors à vos commentaires pour les suggestions de films ! 

mardi 27 décembre 2011

Tranche de dimanche

Entre deux rédactions de devoirs estudiantins où je feins de me prendre plus au sérieux que moi-même, je profite de ces parfums de vacances pour redécouvrir le sens de l'inutile.
Parmi ces espaces de gratuité vaine pour l'oeil non avisé, il y a le culte de ma paroisse.
Mon épouse ne s'étonne plus de ma phrase favorite du dimanche: « Finalement, je crois que je vais aller au culte, ce matin ».
Et me voilà parti pour une heure de voiture, à travers la neige, histoire d'aller entendre la bonne Parole d'un de mes pasteurs, sur le Psaume 115.
J'arrive limite à l'heure, comme souvent... dans ce quart d'heure de retard entendu.
Là, je suis heureux de retrouver J., fidèle au poste, qui m'accueille d'un « Bonjour, quel temps tu as vers chez toi? … La route était bonne? ». Depuis quatre ans que je viens régulièrement, ses mots simples ne varient guère mais ils font que je me sens chez moi.
Dans le temple, les rangs sont clairsemés de gens familiers; vingt personnes grand maximum, aujourd'hui. L'absence d'organiste pour cause d'intempéries donne à la célébration le feutré de l'hiver.
Il fait bon, le culte passe allègrement.
Fait étonnant, on dit deux fois le Notre Père. Mais tout me va.
A la prière d'intercession, je pense à cette amie partie enterrer son père , et qui en est revenue avec l'impérieux besoin de tout quitter... travail... mari... en proie aux affres du sens de l'Essentiel. Je pense à son époux. Seigneur, garde-leur ton souffle consolateur, quoi que leurs vies deviennent !
Au moment de l'envoi, J. me demande si je ne pourrais pas faire le service « au verre de l'amitié » d'après culte, parce qu'il a besoin d'un coup de main . Je prends cela comme une gratification.
De retour à la maison, une heure et demie plus tard, c'est le repas de famille version « pot-au-feu ». Mon fils de 22 ans, incroyant, qui travaille dans un établissement pour handicapés me demande si je ne pourrais pas « faire une messe de minuit » parce que le prêtre du coin est parti sans être remplacé, et que les résidents handicapés sont très attachés à la célébration de Noël.
Je suis obligé de le décevoir ! Mais je ne peux m’empêcher de constater combien ces temps de culte font sens, même pour l'incroyance de mon fils.
De ce « futile » utile, je me sens Témoin.

Ch.

dimanche 25 décembre 2011

Traduction libre (1)


Au moment crucial – la parole
Et la parole, en Dieu
Et Dieu – la parole.
Elle, au moment crucial, en Dieu.
Tout par elle, et rien sans elle.
En elle, l’étant vrai – vraie lumière des hommes.
Lumière au creux des noirceurs, elle luit – les noirceurs ne l’éteignent pas.
Par Dieu un homme vint, du nom de Jean.
Il venait en témoin, témoin de la lumière, chemin pour croire à la lumière.
Lui n’était pas la lumière, il en était le témoin.
Elle était vraie lumière, faisant chemin en tout, éclairant chacun.
Lumière – en tout. Tout est pétri de lumière. Et tout l’ignore.
Venue en son domaine, malgré portes fermées et veilleurs assoupis.
Eux qui la virent, elle leur donna puissance d’être enfants de Dieu, eux qui savent son nom.
Ni par le sang, ni par dessein du corps pesant, ni par le vouloir d’un homme – ils sont nés de Dieu.

(Trad. libre PRG de Jn 1,1-13)

mardi 20 décembre 2011

Le courage d'être



"C'est à juste titre que l'on a dit que la gravure d'Albrecht Dürer, Le Chevalier, la Mort et le Diable, était une expression classique de l'esprit de la Réforme luthérienne et - pourrait-on ajouter - du courage luthérien de la confiance, forme de courage d'être. Un chevalier armé de pied en cap chevauche le long d'une vallée accompagné d'un côté par le figure de la mort, de l'autre, par celle du diable. Sans crainte, recueilli, confiant, il regarde droit devant lui. Il est seul, mais il n'est pas solitaire. Dans son isolement, il participe à la puissance qui lui donne le courage de s'affirmer en dépit des négativités de l'existence. Son courage n'est assurément pas le courage d'être participant." 

Paul Tillich, Le courage d'être, trad. J.-P. Lemay, Paris, Cerf, 1999, p. 156. 

lundi 19 décembre 2011

Thé au Prat'

Leçon de théologie pratique n°1
Accompagnement pastoral : ce qu'il ne faut pas faire. 


samedi 17 décembre 2011

Amicale(s) Vacance(s)

Après ce premier semestre de cours, nous voici dans un temps de vacance, ou de vacances.
La vacance, c'est le temps pendant lequel une fonction, une dignité n'est pas occupée, n'est pas attribuée à quelqu'un. C'est aussi à mon sens, un temps comparable à la jachère agricole : nous laissons reposer non pas la terre, mais nos cellules grises, pour qu'elles soient à nouveau à disposition pour la rentrée.
Mais le terme de vacance s'emploie aussi au pluriel, même si ce second emploi, vous vous en doutez, est moins ancien. Il désigne alors le temps durant lequel les études cessent, ou durant lequel un individu se met en vacance de son poste pour une durée déterminé, qui en France n'excède pas cinq semaines (de congés payés).
Sommes-nous donc en vacance, ou en vacances ? Au premier abord, on peut penser que cela n'a pas une grande importance ; mais en creusant un peu, je me suis interrogé sur la différence de sens que peut recouvrir ce singulier ou ce pluriel.
Ce temps de Noël, où nous fêtons la naissance de Christ, se double dans notre société d'un temps de vacance(s). Si nous sommes donc en vacances d'un point de vue universitaire, nous ne ressentons aucune vacance puisqu'au contraire Jésus vient, nouveau, nous rencontrer en cette période de Noël.
Nous autres, étudiants, sommes donc dans le temps de vacance des études, c'est-à-dire que nous pouvons les laisser de côté, nous nous reposons d'elles tout autant qu'elles se reposent de nous (comme nos chers professeurs peuvent se reposer de nous eux-aussi après nous avoir subis pendant un semestre!!), mais pas de vacance généralisée, puisque Dieu a fait cesser la « vacance » (il faudrait mettre davantage de guillemets encore!) du Messie, en nous offrant cette grâce incroyable de son Incarnation en Christ, dont nous savons qu'elle est un don total, don de vie et de sens.
Remplis de cette grâce, nous pouvons mettre à profit, (ou profiter de, allez savoir chers exégètes qui disséquez le chapitre 7 de la première épître aux Corinthiens) ces vacances, pour ne pas nous mettre en vacance totale de nos études, mais vaquer à nos occupations, tout en veillant à garder ce temps de vacance, et mettre à profit ce temps pour laisser reposer, lâcher prise comme diraient certains de nos professeurs, nous laisser porter par ce temps diraient d'autres titulaires de chaires d'enseignement. Nous devons donc vaquer à, sans que nos études vaquent sans nous (c'est-à-dire qu'elle soient inoccupées...oui je sais, cet emploi du verbe vaquer n'est plus courant, mais ça permet de mettre tout ça en tension, hein !!).

Aussi ne me reste-t-il plus qu'à vous laisser vaquer, et à laissant vacante la place de blogueur, tout en vous souhaitant d'excellentes et amicales vacances, au nom et pour le compte de l'Amicale des étudiants.

vendredi 16 décembre 2011

De cohérence en co-errance

Et voilà, ce soir c'est les vacances. Nous allons nous diriger vers notre sympathique destin, certains ployant sous le poids de la hotte du père Noël, d'autres sous celui des révisions ou des dissertations en cours. Nous allons quitter pour quelques jours le nid douillet de la faculté, où tout n'est qu'ordre, cohérence et pistaches, pour nous lancer dans le grand monde, où tout est horde, co-errance et marrons chauds. 
Ouais, pardon, chuis fatiguée. Chais plus c'que j'dis. 
Enfin si, quand même : nous vous souhaitons à toutes et tous des moments reposants dans la lumière de Noël. Que chacun soit soulagé de ses fardeaux et revienne réchauffé et assuré de la paix de notre Seigneur. 

Nous ne nous quittons pas sans vous donner quelques nouvelles. Déjà, le sudoku* en cours à la salle Vincent nous tient en haleine depuis hier, personne ne part tant qu'on ne l'a pas résolu. A vos neurones !

Sinon, le brûlant dossier "voyage de l'Amicale" connaît de nombreux rebondissements. Aux dernières nouvelles, nous irions rendre visite à nos frères vaudois comme prévu, mais plutôt en Provence qu'à Rome. Tous les chemins mènent à Lourmarin. On vous tiendra au courant au plus vite de la date exacte (sans doute en mars/avril), des activités prévues et du moyen de s'y rendre (voitures ou minibus) ainsi, bien sûr, que du prix, que nous espérons le plus léger possible. On y travaille d'arrache-peton. 

On a refait le calendrier des activités hebdomadaires pour le deuxième semestre :
  • FOOT (la balle qui roule) : mardi 16h
  • VOLLEY (la balle qui vole) : mercredi 16h
  • APERO (les pistaches qui sautent) : mercredi 17h
  • MEDITATION : jeudi 9h
  • ATELIER CONTES BIBLIQUES : jeudi 16h, dates à préciser à la rentrée
A bientôt à la rentrée ! Joyeux Noël à tous.

* Au fait, vous savez pourquoi les gens du nord sont... euh, zut j'ai oublié la fin...

jeudi 15 décembre 2011

Je cours vers le but afin de gagner... (Phil 3,14)

L’apôtre Paul était-il un grand sportif ? Certainement. Voyageur infatigable, il a beaucoup marché, voyagé…  en employant cette image de « course » vers le but, il se servait ainsi de l’image du sport pour progresser dans la foi.             
Le sport : ici, on en fait. Il faut dire que le lieu s’y prête. Il y a le volley le mercredi à 16h, puis le football le vendredi à 16h. N’ayant pu pratiquer notre séance de football vendredi dernier pour cause de préparation de la fête de Noël, nous avons décidé de nous rattraper en jouant tous ensemble hier, lundi 12 décembre. Tous ensembles, nous étions donc ce jour : Herizo, Basile, Nicolas, Rémi, Lucas, Tsima, Simon. nous avions également eu la chance de bénéficier de la présence de deux personnes en plus : Ezéchias, et Micha. Ce fut une vraie partie endiablée, de belles actions pour un magnifique score, 10 à 8 pour l’équipe de Tsima. Ce dernier peut bien être qualifié homme du match, car, comme un serpent, il se faufile, cours toujours plus vite, effectue des remontées de balles fulgurantes pour plaçer le ballon au fond des petites cages. Oui, des petites cages, très petites même, qui nous obligent à éviter les « boulets de canons » tirés de loin, mais au contraire à privilégier le jeu collectif et surtout technique. C’est d’ailleurs plus beau à voir. Il ne devrait normalement, vu le format de ces cages, ne pas avoir de gardien, mais il est difficile et au combien tentant de ne pas rester scotché devant les cages ! Nous le faisons, il faut le reconnaître…
Le football : en cette fin d’après-midi, lors que l’hiver parait long, nous oublions nos soucis, pour vivre un moment de convivialité, où nous nous défoulons, nous nous vidons la tête, nous jouons en équipe, et parfois nous gagnons. Mais n’y voyons aucune concurrence : toujours dans un esprit fraternel, d’encouragement et d’humanité.
Bref, si à travers la lecture de ces quelques lignes, vous sentez des fourmis dans vos pieds, si l’envie de taper dans un ballon vous démange, venez nous rejoindre ! Nous fixerons les prochaines dates après consultation des emplois du temps du second semestre.
Simon

mercredi 14 décembre 2011

Disons que j'ai arrêté d’accélérer.


Si vous croyez avoir compris quelque chose à la mécanique, c'est qu'on vous a mal expliqué.
Voilà ce que je me suis dis, en cette fin d'après-midi, face à la panne de mon véhicule. J'ai ouvert le capot, et je me suis dis, c'est fichu. De toute façon, ça tombe bien, je comptais faire une pause. Mais attention, une vraie pause ! J'en ai profité, j'ai éteins mon téléphone portable, j'ai ouvert les vitres, et j'ai attendu.
Ce que j'ai attendu ? Je ne sais pas. Disons que j'ai arrêté d’accélérer.

Au départ, je me suis sentie un peu mal à l'aise, parce que d'habitude mon téléphone sonne souvent, je tape très vite sur les touches de mon ordinateur, je suis over-bookée et cette hyperactivité me plait. Ma phrase favorite c'est "désolée, j'ai pas le temps". Réparer ma bagnole, courir après le temps et tenter de le rattraper, tourner le dos au deuil et à la finitude.
Là, la nuit commençait à tomber, et ce temps-là, ce temps de veille, se présentait comme un grand trou dans mon agenda. Un dimanche, un Sabbat, un moment d'intimité. Et voilà que je me mettais à philosopher !
J'ai respiré un bon coup : cette panne de voiture est une bénédiction, je me suis dit.

Les idées fusaient dans tous les sens.

Hier soir, au théâtre la dame elle a perdu sa chaussure. Les aléas du direct, du spontané, de l'humain. L'artiste postillonnait tout le temps, et ça se voyait bien dans la lumière des projecteurs. Y avait pas de montage, pas de "silence on tourne", ça respirait la spontanéité. La dame, c'était un artiste, qui s'expose au service d'une oeuvre, et j'ose dire, au service de la transcendance.
Sur Arte, ça parlait migration, immigration, émigration, l'autre soir. C'est très à la mode n'est-ce pas ? Parler d'hospitalité comme un défi collectif, individuel, politique aussi. Étranger et voyageur sur la terre...
Puis tout à coup, mais comme une évidence, j'ai pensé à mon fils, minuscule bout d'humain. Presque étranger lui aussi. Il ne sait pas bien marcher, il ne sait pas bien parler, il ne sait pas bien compter, il apprends à découvrir le monde et à se découvrir lui-même. Il est tellement vulnérable. Le travail des parents, l'éducation, quel accueil long et attentif !
Ressemblant au regard parental sur l'enfant, "un autre" nous accueille et nous aime inconditionnellement. Il se tient à la porte.

"J'en prends aujourd'hui à témoin contre vous le ciel et la terre : j'ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie, afin que tu vives, toi et ta descendance"

" Je suis avec vous toujours, jusqu'à la fin du monde "

Des phares. Une voiture. "Besoin d'aide ?"
Je vais laisser la voiture là. "Dis-donc, t'as confiance toi !"

J'ai répondu, oui j'ai confiance. C'était pas juste une histoire de bagnole. 
Oui j'ai la confiance : elle m'a été donnée.

(récit fictif inspiré du cours public du 14 décembre) 

Lapin chrétien

Aurait-on trouvé notre mascotte ?


(Dessin Lilou Vincent)
(pour ceux qui n'auraient pas tout suivi : clic)

mardi 13 décembre 2011

dimanche 11 décembre 2011

La tentation

Ah non, ce soir il ne s'agit pas du cours public... il s'agit d'un sujet autrement plus sérieux, vous allez voir. 
C'est de la théologie pratique. C'est qu'on se pose des questions sur notre vocation, voyez-vous, très sérieusement. Alors on considère tous les aspects du problème, on les décortique, on les examine, on les analyse dans les moindres détails et sous toutes leurs formes. Y compris liquide :


Vous croyez que ça compte, pour la CdM, un tel sérieux dans la réflexion ?

samedi 10 décembre 2011

Une solitude bellement partagée


Contrairement à ce que dit ce chat (il est tout bizarre d'ailleurs ce chat, il est gris, il n'a pas de moustaches ni de griffes et il n'a pas une tête à manger les écureuils, lui), la fête de Noël à l'IPT Montpellier, c'est un beau moment de partage et d'amitié. On va vous le prouver pas plus tard que très bientôt, dès qu'on aura mis la main sur les photos qui ont été prises de la soirée. 
Entre culte-récit des origines à l'incarnation, concert oecuménique, histoires de clous, talents révélés, chanson de petite fille, sketch ("le langage, Paul l'emploie", hi hi hi), gâteaux divers et bonne humeur généralisée, hier était une fête qui devrait rester dans les mémoires...

vendredi 9 décembre 2011

Post Lux Tenebras ? (pour une approche anthropologique du rite de la pause)

Le rite pris dans sa dimension anthropologique s'efforce paraît-il de procéder à un nouage complexe entre le temps qu'on dirait ordinaire et le temps consacré à une réalité autre, supérieure. C'est pourquoi il nous a semblé intéressant de lire la tradition de la pause ipétienne comme un rite. En extrayant de façon rituelle les étudiants à la fréquentation des hautes sphères intellectuelles, on les rend momentanément à leur obscurité naturelle, à leur condition de simples mortels préoccupés de choses bassement matérielles, et on leur permet ainsi de retrouver un souffle bien mis à mal par la rareté en oxygène là-haut, tout là-haut. En fait, leur retirer la pause, ce serait comme les pousser comme Icare trop près du soleil. 
En gros, ça ne serait pas une bonne idée : il y aurait des plumes partout. Le seul avantage, ce serait de mettre fin au sacrifice rituel des petits gâteaux, lequel est source de miettes et de trous dans nos finances.
Hum ? comment ça personne ne songe à remettre en question le rituel de la pause ? Ah. Pardon. Considérez que nous n'avons rien dit. 

jeudi 8 décembre 2011

Impressions et sangliers

Mardi, nous recevions à Montpellier les étudiants par correspondance. Ils sont venus passer la journée avec nous pour participer aux cours et passer un peu de temps avec les professeurs qu'ils ne "voient" d'habitude que par mail interposé. 
Parmi eux, trois Rennais venus de leur lointaine Bretagne nous ont laissé leurs impressions... Chantal, Myriam, Christian, merci ce billet... et à bientôt !

Il y a une nouvelle façon de chasser le sanglier, qui consiste à prendre le TGV Rennes-Montpellier. Vous en abattez deux, tranquillement assis dans votre fauteuil. Pas de stratégie de chasse, pas besoin de tenir compte du vent, des passages d’animaux et des aléas dus au nomadisme accru de ces tribus d’autant plus voyageuses qu’il s’agit pour elles d’un moyen de protection. La meilleure façon de garder la vie sauve, c’est de s’inscrire aux abonnés absents : avec cet adage, la tribu sanglier ne couche que rarement deux fois au même endroit. Aux chasseurs de se débrouiller pour leur laisser des coins tranquilles, ou avoir le nez long. Enfin là n’est pas le sujet ! Revenons à nos brebis.

Coup de folie ! Quoi de plus fou en effet que de passer 16 heures dans un train et des nuits difficiles dans des hôtels surchauffés pour aller entendre des histoires de femme coupée en morceaux, de massacre d’amoureux quand ce n’est pas celui de toute une tribu qui, au comble du paradoxe, avait eu le tort, de « faire confiance » aux Israélites… et pour ensuite apprendre à distinguer le texte original des rajouts ? Eh bien oui, nous l’avons fait et nous devons reconnaître que nous en sommes très satisfaits, revenus gonflés à bloc et très motivés pour continuer. Les voies du Seigneur sont vraiment impénétrables !
La journée se poursuivit par un dilemme : entre Apollonius et Jésus, il faut choisir lequel est le plus moderne – il est vrai que nous ne faisons pas partie du gratin romain. Mais faut-il ? Est-ce si sûr ? Nous ne sommes plus sous le régime de la loi.
Last but not least, nous nous sommes passionnés pour les polars platoniciens et les enquêtes dialectico-maïeutico-philisophiques de l’inspecteur Colombo athénien, qui nous a initiés aux finesses de sa recherche. Le tout truffé de retrouvailles avec les bretons émigrés à Montpellier, car ils sont quelques-uns à avoir migré vers le Sud comme les oiseaux migrateurs.
Le tout en 36 heures, qui fait mieux ? Nous ne pouvons que conseiller à chacun, si vos loisirs vous le permettent, d’aller faire un tour là-bas. Vous y trouverez matière à faire marcher vos méninges et avoir une autre approche de la Bible.
Christian, Chantal et Miryam

mercredi 7 décembre 2011

Le définitif, c'est pour demain

Oui, le définitif c'est pour demain. C'est ça que dit la doctrine du jugement dernier dans le christianisme, au fond. Et "le définitif c'est pour demain", ce n'est pas un horaire de chemin de fer, c'est une bonne nouvelle extraordinaire, parce que ça libère notre présent de tout ce qui prétend le juger définitivement. Ce que pose le Nouveau Testament, c'est que le jugement dernier est une altérité. Le jugement remis à Dieu nous extrait de toute obligation de nous justifier sans cesse devant les autres. Et même la mort n'a pas le dernier mot. La mort qui vient mettre un point final sur notre existence laisse un jugement derrière nous, sur ce qu'a été notre vie. Or le jugement dernier signifie que ce savoir sur cette vie n'est pas le savoir ultime, que le jugement sur cette vie n'est pas le jugement ultime. C'est Dieu qui juge. 
La venue du Christ, ce n'est pas son retour : il n'est pas question de revenir à l'incarnation du Christ. Croire qu'on va revenir à hier, à un Christ qui se baladerait sur terre et reprendrait son enseignement là où il l'avait laissé, c'est se fourvoyer sur la signification de la parousie. La venue du Christ, c'est le pur événement qui vient faire rupture. Il ne s'agit même pas une rupture dans le temps. On s'imagine que la parousie va mettre fin à notre temps actuel pour entamer un temps second, mais on ne le pense que parce qu'on ne peut pas penser autrement. La venue du Christ, c'est forcément une rupture qui tranche, qui crée un écart radical avec ce qui est.
Le jugement dernier, c’est l’idée d’un écart qui donne de la valeur à autre chose qu’à ce qu’on estimait qualifiant pour soi-même et pour le monde. La parousie, c'est un écart absolu avec ce qu'on connaît. C'est l'espace laissé libre entre l'attente de l'époux des paraboles et sa présence qui nous comblerait. Nous sommes dans cet espace où nous attendons. Attente folle ! l'attente de ceux qui savent qu'il y a quelque chose à attendre. Croire tout posséder ou subir avec fatalité et ne plus rien attendre, c’est être mort ; celui qui croit et espère, lui, est vivant. Il espère en quelque chose qu'il ne lui est pas donné de connaître : autre chose que ce qui relève de la "logique du monde" dont parle le Nouveau Testament. Celui qui attend ainsi a l'espace nécessaire pour agir. C'est du provisoire qui libère. 
Alors, ce jugement ? Il révèle ce qui doit être perdu. Il révèle que ce que nous faisons va être séparé de ce que nous sommes. Pensons à la merveilleuse métaphore de Paul en 1 Co 3,12-15 : l'humain sera passé au feu du jugement ; ses oeuvres seront consumées, mais lui sera sauvé. Paul tient ainsi en tension le salut par la grâce avec la responsabilité humaine. En ce sens, il faut comprendre que le jugement est un révélateur, il n'est pas à craindre. 
On l'a beaucoup craint pourtant, on l'a beaucoup moqué, on s'en est beaucoup méfié, on l'a aussi beaucoup représenté, le jugement dernier, comme nous le rappelaient nos professeurs ce soir au cours public (l'illustration ci-dessus est une photo de la chapelle Sixtine). Le jugement dernier est toujours difficile à comprendre, chacun pour soi, et pour l'Eglise. C'est un de ces défis théologiques qu'il faut sans cesse reprendre à nouveaux frais. Mais la bonne nouvelle de l'Evangile est bien là aussi, adossée à la notion du jugement. Le jugement nous rappelle que c'est Dieu qui juge et ainsi nous remet à notre place de créature ; et dans le même mouvement, il nous rappelle l'aveuglement dans lequel nous vivons par rapport à nous-même. Cette mise en crise de l'humain, c'est là que se joue la grâce : comme appel à la repentance, elle nous rappelle que nous sommes responsables, que ce que nous faisons n'est pas sans conséquence. Et en même temps, elle relativise notre angoisse dans ce monde : en rappelant que nous sommes privés du pouvoir ultime, nous sommes libérés de faire dans l'urgence de la peur. Il nous est donné d'agir librement et dans l'apaisement. 
Rappelons-nous que l'appel de Jean de Patmos à la fin de l'Apocalypse, "Viens, Seigneur", est suivi de cette parole de bénédiction : "la grâce du Seigneur soit avec vous tous". C'est dans ce présent-là que nous sommes appelés à vivre, maintenant. Dans l'attente de quelque chose dont les mots ne recouvrent pas l'espérance.

mardi 6 décembre 2011

Noël à l'IPT !

Chers amis, vous le savez, ce vendredi 9 décembre à 18h, c'est toute la faculté qui fêtera Noël comme la tradition l'exige, avec un culte à 18h à la chapelle, présidé par notre professeur d'hébreu biblique Emmanuel Correia, suivi par une soirée festive organisée par l'Amicale.
Cette semaine, vous tomberez peut-être par inadvertance sur une répétition musicale, un atelier sketch ou un happening culinaire, ne soyez pas timides, joignez-vous aux préparatifs ! Nous aurons besoin notamment d'un bon coup de main pour mettre en place les tables du dîner à la salle des Actes, vendredi. 
Et si vous ne l'avez pas déjà fait, merci de vous inscrire auprès de Mireille pour le repas ; la participation est libre, mais personne ne vous en voudra si vous arrivez avec de quoi boire ou un petit dessert... Le thème du dîner sera "dîner roulé". Ca promet.
A vendredi !

Raclette et camembert

Samedi soir, une soirée tranquille entre étudiants. On se détend. On joue au Trivial Pursuit, en buvant de la tisane et en devisant gaiement. 

Question : depuis quand peut-on manger de la Vache qui rit® en France ?

Réponse d'étudiant ordinaire : depuis qu'on est petit.
Réponse d'étudiant ordinaire cultivé (ou gourmand, ou connecté à internet) : depuis 1921.
Réponse d'étudiant en théo : depuis le sixième jour de la Création. 

lundi 5 décembre 2011

Aux gros mots les grands remèdes (2)

Autour de la question de l'importance des apparitions du Seigneur aux apôtres, et de l'expérience mystique de Paul, comme fondement de la « communauté » : dans un commentaire à l'article « Au gros mots les grands remèdes », Christophe défendait que la « communauté » ne s'originait pas seulement dans l'« Absence » du Christ mais tout autant dans le témoignage des apôtres, fondé sur leur Rencontre avec le Ressuscité, et particulièrement sur l'expérience mystique de Paul en 2 Co 12,1-5. Il poursuit ici sa réflexion sur le sujet. 

Qu'est-ce qui a motivé ton commentaire?
… Peut-être l'esprit de contradiction ? Je trouvais qu'à trop mettre l'accent sur l'absence de Jésus-Christ, on risquait de relativiser l'importance du témoignage apostolique, et par voie de conséquence la vocation à la proclamation kérygmatique de la communauté.

Tu mets donc l'accent sur les apparitions du ressuscité aux apôtres ?
Pour moi, l'historicité du témoignage des apôtres est quelque chose d'important. Je ne sais dire si la résurrection est ou non hors du temps et de l'histoire, mais je crois que le témoignage des apôtres, lui, est historique... Et j'y inclus le témoignage de leur rencontre avec le Ressuscité.
Cela ne veut pas dire qu'il faut prendre au pied de la lettre les récits de rencontre avec le Ressuscité consignés dans les Evangiles, mais ils traduisent à mon sens qu'il s'est passé un « quelque chose », qui n'est pas qu'une simple spéculation apostolique sur une hypothétique résurrection de Jésus-Christ.
De manière très particulière, la relation de son expérience mystique que fait Paul en 2 Co 12, me semble raisonnablement authentique, au même titre que l'épître. Mais il faudrait l'avis d'un exégète avisé. (Suivez mon regard...)
En tout cas, à mon sens, si l'on fait l'impasse sur l'historicité de la Rencontre des apôtres avec le Seigneur, après sa mort, il me semble qu'on enlève non seulement un élément fondateur de la « communauté », mais aussi un fondement des Ecritures.

Mettre l'accent sur la rencontre mystique de Paul, n'est-ce pas minimiser implicitement le message de la Croix, de cette « grâce qui « suffit » car Sa "puissance s'accomplit dans la faiblesse » ?
C'est une question d'équilibre dans la mise en perspective.
Si l'on me disait demain que la « communauté » est la simple résultante du témoignage apostolique, d'une proclamation kérygmatique triomphaliste,… le tout à grand renfort de prodiges, il est probable que je ne pourrais m'empêcher de mettre l'accent sur l'Absence fondatrice du « tombeau vide », sur cette « Grâce » qui procède d'une « puissance » qui « s'accomplit dans la faiblesse »(v.9).
En même temps, on est bien obligé de remarquer que Paul nous transmet cette compréhension de la Grâce parce que le Seigneur lui a révélé.

Est-ce que ce n'est pas dans le moment précis de sa conversion que s'organise pour Paul à la fois l'impératif kérygmatique et la compréhension de la croix comme révélation de la présence paradoxale du Christ (paradoxale parce que présence dans l'absence) ?
Je dirais que oui. Si ce n'est que je ne sais si cela se passe dans un « moment » au sens où on l'entend d'habitude : ce moment est « dans le Christ », dans l'entre-deux du « dans son corps »/« hors de son corps ». C'est un « moment » dans et hors du temps, il me semble.
De même je ne dirai pas que cela « s'organise ». Je ne suis pas un spécialiste, mais les lectures de 2 Co1-5 et de Ga1 11-12, donnent plutôt le sentiment que cela lui est révélé instantanément, dans ce moment paradoxal. 

Est-ce que ce n'est pas la grâce (du v.9) qui réorganise toute sa compréhension en donnant le sens de l'extase ?
Est-ce Dieu qui prend Paul par le colback, et l'exfiltre au « troisième ciel »?
Est-ce la Grâce de Dieu ? Y a-t-il une Grâce de Dieu agissante en soi, indépendamment de Dieu ?
Je ne sais pas. Je peux juste dire que la Révélation donnée à Paul est de Dieu, révélation du don de Dieu, de la Grâce donnée et agissante.
Pour autant, il me semble que le v.9 fait référence à un dialogue entre l'apôtre et le Seigneur qui n'est peut-être pas concomitant à l'extase des v.1 à 5. Mais là encore, l'éclairage d'un exégète serait instructif.

L'extase seule n'est rien ; ce ne serait pas déraisonnable d'en parler, mais elle n'est pas le lieu de la grâce, qui reste hors capture...
On est d'accord. Ramener la Grâce à l'extase, outre le fait que ce sont des choses si je puis dire, de « nature » incomparables, c'est courir à l’idolâtrie de la quête de l'expérience mystique.
Qui plus est, on tomberait dans une compréhension élitiste de la relation à Dieu, alors même que la Bonne Nouvelle, c'est un cadeau de Dieu pour tous, à vivre dans la simplicité.
L'expérience de Paul n'est pas en soi l'alpha et l'oméga de l'Evangile. A mon sens, elle n'a d'intérêt qu'au double regard de la Révélation de la Grâce qu'elle apporte à Paul, et de cette certitude dans laquelle elle trempe sa Foi.
Mais cela n'est pas rien!

C'est une conception paradoxale de la foi, non ?
Peut-être. D'une part, la Foi apparait comme relevant presque par définition, « de ce qu'on ne peut pas savoir », voire de ce dont on doute... et en même temps elle est plus que cela parce qu'elle est certitude intime; mais certitude qui, pour la plupart d'entre nous, peut varier au gré de ce que j'appelle volontiers les « baisses de tension » de la foi .
Pour Paul, cela semble non fluctuant, toujours au « taquet » : sa Foi se fonde sur CE qu'il SAIT irréductiblement. 


Comment reçois-tu ce message de la Croix ?
Comme un réconfort.
Je ne suis pas certain que j'en mesure bien la portée parce que Dieu a l'amabilité de ne pas nous coller trop souvent le nez dans notre... petitesse.
En tout cas, ça fait du bien de savoir que ma faiblesse fait sens pour Lui, qu'il peut s'en servir comme vecteur de Son plan, auquel je ne comprends pas toujours grand-chose.
Cette incapacité à tout comprendre ne me gène pas trop parce que nous avons Sa Parole pour cheminer... et la communauté, aussi...

Et la mystique ?
Cela doit bien exister, mais sauf exception, ce n'est pas a priori le chemin que trace pour nous le Christ.
Ou alors, on pourrait parler de la mystique ordinaire de la vie :
Le regard du Ressuscité, on le croise dans le regard des autres... quand on n'est pas trop mal disposé, et qu'on s'oublie un peu...tout le contraire de ce que je viens de faire, probablement !

dimanche 4 décembre 2011

Passe ton Bach d'abord!

« S’il y en a un qui doit tout à Bach, c’est bien Dieu ». Cette citation d’Emil Cioran évoque tout le génie de la musique de celui qui est peut-être le plus célèbre protestant du monde — même si beaucoup ignorent à quel point la théologie et la foi ont été les sujets de sa musique.
A l’inverse de Mozart, qui était catholique sans nourrir une vie d’Eglise débordante, Bach délivre dans chacune de ses pièces un message théologique. Un coup d’œil à l’inventaire de sa bibliothèque à sa mort témoigne de son érudition en la matière: 
- De Luther: Oeuvres.7 volumes
- Le même ouvrage. 8 volumes
- Du même: Propos de table
- Du même: Comment. sur les Psaumes
- Du même: Sermonnaire domestique
- De Neumeister: La Table du Seigneur
- Du même: La Doctrine du Saint Baptême
- De Stenger: Les bases de la confession d'Augsbourg
- De Klinge: L'avertissement contre l'apostasie de la Religio luthérienne
Etc... Etc... Etc... 
(Cantagrel Gilles; Bach en son temps; Paris; Fayard; 1997; pp.340ss)

Karl Barth, en amateur passionné et éclairé de Mozart dira que même si les anges révèrent la musique de Bach quand ils sont en présence de Dieu, dans son dos, sans doute écoutent-ils la musique de Mozart. Et il ajoute : « chez lui, tout ce qui est lourd plane et tout ce qui léger pèse infiniment… ».

Mais là où Bach et Mozart se rejoignent, c’est dans leur liberté. La liberté de faire éclater leur génie et leur virtuosité dans le langage de la musique. Mais cette liberté totale exige une discipline de fer !
Cette obéissance à leur objet est la nécessité fondamentale à leur expressivité. Cette discipline obligea Bach à bouleverser beaucoup de principes musicaux et techniques de son époque. Nous lui devons notamment le doigter à 10 doigts qui nous parait aller de soi aujourd’hui, lorsqu’on apprend à jouer au piano, au clavecin ou à l’orgue. Or, il faut savoir qu’à l’époque, on jouait sans les pouces, c’est-à-dire à 8 doigts. Sur le plan technique, le pédalier des orgues de l’époque de Bach connaissaient deux factures : les pédaliers à l’allemande (à petites lattes très courtes) et à la française (pédales de bois ou de métal comme celle d’un piano). Bach sera à l’origine des pédaliers actuels à lattes de bois (dites « pédales »). Ils sont complets sur une étendue de 2 à 3 octaves. Vous pouvez visionner ici la Toccata et Fugue en Ut majeur BWV 564. Elle est un bel exemple de l’usage du pédalier chez Bach. Vous noterez la facétie de cette pièce : elle est un dialogue entre des « jeux » clairs et les « jeux » de basse, comme le dialogue entre un petit oiseau et le tonnerre sur un même thème.


Bach fera du jeu au pédalier une de ces spécialités. La basse devient alors à l’orgue une voix à part entière. Elle structure, assoit et cadence les œuvres. Le jeu à 10 doigts va considérablement étoffer la palette de couleurs, permettant notamment des passages d’une tonalité à une autre beaucoup plus rapides et nuancés. En effet le pouce prend alors la place de pivot : on peut tout à fait maintenir une note au pouce tout en préparant le passage de l’index au-dessus de lui pour aller chercher une note inférieure. Inversement, le pouce permet d’atteindre (selon les mains et les claviers) l’octave supérieure.

Ce coreligionnaire était un bon vivant. Père de famille nombreuse, il a laissé le souvenir d’un homme composant au milieu de la table de la cuisine en faisant sauter un de ses enfants sur ses genoux, ou en faisant le pitre avec son épouse. Cette joie de vivre était en perpétuelle tension avec une conscience extrême de la tâche à accomplir. Nous parlions de discipline de fer à l'origine de son génie: Bach dira : 
« Quiconque travaillera comme moi, pourra faire ce que je fais ».

Mais le point commun à Mozart et Bach, c’est la perte la plus importante de leur œuvre. Cette œuvre qui devait être pure grâce : l’instant d’une improvisation. Les partitions qui nous restent des deux musiciens étaient des commandes, et — pour Bach en tout cas — des obligations contractuelles ou encore des exercices pour ses enfants (l’aspect technique et pédagogique ajoutent d’ailleurs à leur richesse esthétique !).

Bach nous montre une manière d’être théologien: un père de famille comme tous les autres qui se fait virtuose à ses heures. Un type au caractère bien trempé, mais qui se fait léger comme une plume quand il s’agit de se laisser porter par son objet dans l’improvisation. Un protestant passionné, qui fit de la théologie la plus sévère son développement musical. Un jeu de basse (c'est à dire une théologie construite et solide) qui soutient tout le reste. Une discipline de fer mais, mais… surtout !... sans jamais, jamais se prendre trop au sérieux. Car se prendre au sérieux, c'est croire maîtriser son objet, en être le garant, le possesseur. Or comme dans la musique de Bach, le centre c'est Dieu lui-même. Comme Bach, nous ne pouvons espérer mieux que d'être de piètre voiles qui prennent son Esprit, son "Souffle" (pneuma/ruarh). 
Et pour cela, il faut travailler, travailler sans cesse.

Arnaud



vendredi 2 décembre 2011

De l'art de dire non quand on est professeur


Cas de figure 1: "Oui, oui, tout à fait, vous avez raison. Enfin, on peut penser comme ça. Mais en fait, regardez, en tout cas, ce qu'on peut dire c'est qu'une autre lecture est possible. Voilà."
Cas de figure 2: "Tu serais pas libéral, toi ?"
Cas de figure 3: "Oui, oui, j'entends bien, mais quand même, fondamentalement, d'une certaine manière, non."
Cas de figure 4: "Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris votre question."
Cas de figure 5: "Alors c'est très intéressant ce que vous dites, il faudrait y réfléchir."
Cas de figure 6: "Non."
Cas de figure 7: "..."
Cas de figure 8: "Ouh là."

Dur métier.



jeudi 1 décembre 2011

"Ca vaut pas KTO mais quand même c'est pas mal"

"Je suis passé à la télé l'autre dimanche ? oh zut, je me suis loupé* !"
Si comme le principal intéressé vous avez manqué le reportage de l'autre dimanche, vous pouvez le revoir, ici :


* Par "je me suis loupé", l'auteur de ce verset entendait probablement dire qu'il avait loupé le moment de la diffusion télévisée. Mais toutes les hypothèses sont permises. Pour trancher, il faudrait retrouver la source la plus ancienne et prouver qu'il n'y a pas de meilleure leçon, ou un truc dans le genre. 

mercredi 30 novembre 2011

Aux gros mots les grands remèdes

En théologie voyez-vous, rien n'est compliqué. C'est en tension. Parfois aussi, c'est profilé. Voilà pourquoi un théologien commence à se frotter les mains quand on commence à le titiller avec des gros mots comme "tradition" ou "communauté". A fortiori quand c'est lui qui les a choisis, les gros mots (on n'est jamais aussi bien servi que par soi-même). Ce soir donc, nous parlions au cours public de communauté et de traduction. Pardon, de tradition. Mais en fait, c'est pareil, ou c'est proche. Parce qu'il n'y a de tradition que trahissant le message qu'elle transmet. La tradition n'est pas reprise à l'identique de ce qui est transmis : il y a forcément, toujours, un écart. Ce que dira un théologien protestant, c'est qu'il faut donner une juste place à tous les éléments de la transmission : tradition, Ecriture et autorité. En d'autres termes, il faut veiller à ce que l'Evangile à transmettre ne soit pas emprisonné par la tradition, qu'il puisse rester une instance radicalement critique, y compris et peut-être surtout de la tradition. 
Mais alors, la tradition et l'Eglise, quel rapport ? Un rapport tout à fait essentiel. Mais paradoxal. Dans les confessions anciennes, l’Eglise est confessée : c’est ce qu’il faut croire. Que la foi concerne Dieu, bon, ok. Le Fils, soit. Le Saint-Esprit, va encore. Mais l’Eglise ? Pourquoi faut-il qu’elle soit prise dans le mouvement du croire ? Au même titre que Dieu, Père, Fils et Esprit ? L'Eglise comme corps du Christ, on veut bien y croire -- mais personne n’a jamais songé à en faire une nature divine de même nature que le père, le fils et l’esprit (certes, il y a dans le catholicisme une façon d'évoquer le corps mystique du Christ qui peut s'en approcher).
Alors c'est quoi, l'Eglise, à la fin ? L'Eglise, c'est une communauté. Or ce qui fait communauté, c'est ce qu'on a en commun ; mais ce qu'on a en commun en Eglise, c'est l'absence du Christ, donc ce qu'on n'a pas. Aujourd'hui, tout nous pousse à croire que c'est d'avoir quelque chose en commun qui nous permet d'être ensemble ; c'est ce qu'on recherche à tout prix ces temps-ci, se rassembler pour trouver en quoi on dit des choses semblables. Mais non, justement. Fondamentalement, l'absence du Christ, c'est ce qu'on a en commun. 
C'est là que la compréhension que les Réformateurs avaient de l'Eglise est importante. Ils précisaient qu'il était impossible de savoir qui, en vérité, fait partie de l'Eglise : il y a des croyants à l'extérieur de l'Eglise et il y a des faux croyants dans l'Eglise. Et alors ? alors, seul Dieu peut en juger. C'est le sens de la communion des saints : elle nous situe dans quelque chose de plus vaste que ce que l'on peut en juger. Seul, il m'est impossible de savoir d'où me vient ce dont je suis au bénéfice. La communion des saints, c'est aussi être au bénéfice de la foi des autres. 
Alors pourquoi faut-il qu'il y ait une Eglise visible ? L'Eglise n'est pas une assemblée ordinaire : c'est l'assemblée de ceux qui sont appelés par la parole de Dieu, par le Christ, établis par le Christ pour être son corps. Mais comme on le disait plus haut, c'est un corps qui n'a pas toute sa tête ! Ce corps témoigne de la présence paradoxale du Christ dans le monde. Imparfaite, limitée, jamais égale à l'Eglise invisible, l'Eglise visible est le lieu de l'unité. Cette unité ne nous appartient pas, elle ne procède pas de nous : elle fait altérité avec ce que nous vivons dans le monde. L'unité ne peut que faire irruption comme une grâce — pas par l'effort que nous pouvons faire, mais dans le partage de la parole et du pain. Il faut croire à l'Eglise... parce qu'on ne peut croire qu'en ce qu'on ne voit pas... 

mardi 29 novembre 2011

Pierre Soulages, lumière et liberté (2)

Pierre Soulages a vraiment compris à douze ou treize ans qu’il serait artiste. Une anecdote familiale raconte que lorsqu’il avait huit ans, on lui avait demandé ce qu’il était en train de dessiner à grands traits d’encre noire sur une feuille et qu’il avait répondu « un paysage de neige », provoquant les rires de son entourage. Ce qu’il voulait faire, en réalité, c’était rendre le blanc du papier. Lorsque, quelques années plus tard, il se trouve dans l’abbatiale Sainte-Foy de Conques, c’est une révélation : fasciné, exalté même par l’espace intérieur, il se dit « je serai artiste ». Cette rencontre va prendre un relief tout particulier lorsqu’il acceptera de créer des vitraux pour l’abbatiale, bien des années plus tard. « Le bâtiment était fait avec la lumière. J’ai refusé de travailler avec une maquette ou un procédé pictural comme l’aquarelle : je voulais utiliser la lumière du bâtiment même, alors j’ai commencé à chercher ». Il fallait que les fenêtres émettent la clarté, pas seulement qu’elles la laissent entrer. C’est ainsi qu’il a créé un matériau, un verre qui n’existait pas encore. Au premier essai, avec un verre incolore pour atteindre l’opalescence dont il rêve et surtout respecter, profondément, l’édifice tel qu’il était – voilà des variations de couleur et, surprise, le chromatisme qui arrive. Et, surprise encore, « le bleu qui manquait à l’intérieur, il était dehors ! » C’était totalement inattendu et ce furent trois minutes d’horreur pour l’artiste, avant qu’il ne puisse se dire que c’était une œuvre pour le bâtiment tel qu’il était devenu, tel qu’il était aimé désormais : « alors j’ai accepté ce qui était. C’est l’élément central de tout ce que je fais… ». Savoir céder sur ce qu’il croyait tenir pour accueillir ce qu’il ne connaissait pas : c’est le fil conducteur de ce qui a été déroulé ce soir-là avec Pierre Soulages. Là encore, n’est-ce pas, dans le langage de l’expérience artistique, ce que les théologiens évoquent lorsqu’ils tentent de définir la juste position face à Dieu ?
Le détour par l’apprentissage formel de la peinture a été vécu comme une frustration par Pierre Soulages. « On nous présentait la Renaissance comme l’époque de la rondeur, de la profondeur, de la perspective… illusion ! La peinture, ce n’est pas l’imitation. Les oiseaux chantent, les animaux dansent, mais seuls les hommes peignent. » Depuis qu’il y a des hommes, ils peignent, précise Soulages, qui continue : « je me suis aperçu que le noir, c’est la couleur d’origine de la peinture ; les hommes, il y a longtemps, peignaient avec du noir dans des endroits inaccessibles, dans le noir absolu : ils descendaient dans des grottes… » Mais le noir, ce n’est pas une histoire de symbolique pour le peintre ; car s’il a bien une symbolique – car c’est la couleur du deuil, des officiels, de l’austérité, voire de la fête – ce n’est pas là qu’est sa puissance. « C’est la couleur la plus active qui soit. Par contraste, elle fait changer les couleurs à côté : une couleur sombre va s’éclaircir et un blanc va devenir encore plus blanc ». L’outre-noir, ce noir vivant, n’est jamais monochrome, comme le rappelle Pierre Encrevé : il s’agit d’une « peinture mono-pigmentaire à polyvalence chromatique ». Dans le travail de la matière, c’est la lumière, encore, qui est en jeu. « Dans la peinture classique, la lumière vient de derrière le spectateur. Dans l’outre-noir, la lumière vient du noir vers celui qui regarde : elle le met dans l’espace de la peinture. Cette présence a lieu dans l’instant du regard : par rapport au temps. » C’est la différence avec la peinture traditionnelle, finalement : l’outre-noir, lui, est un point de nouage entre lumière, espace et temps. L’outre-noir, c’est « un autre monde, un autre pays, comme on dit outre-Manche ».
La contradiction, le paradoxe plutôt, c’est que le noir est la couleur qui est par elle-même la plus grande absence de couleur. Peut-être peut-on entendre les paroles de Pierre Soulages à propos de son œuvre comme une dialectique entre des pôles opposés, indispensables et paradoxaux même en eux-mêmes : la lumière et l’obscurité, la technique et l’accident, la présence et l’absence. Et finalement, l’incertitude inhérente à ce choix artistique – et éthique, sans doute aussi, un choix d’une exigence acérée – c’est ce qui permet de refuser tout programme. De ce refus découle un déplacement constant du regard et de la pratique, et de là, la liberté…
Il me semble qu’on peut, avec Michel Bertrand, doyen de la faculté de Montpellier, dire que l’œuvre de Pierre Soulages, et ce qu’il en a dit au cours de cette soirée, nous évoquent la singularité d’une démarche, la non-détermination farouche du sens et l’accueil d’une liberté offerte – toutes choses qui résonnent comme des analogies avec des choses qui s’enseignent et se vivent ici. 

samedi 26 novembre 2011

Votez !


On ne va pas vous parler des élections à venir (encore que ça pourrait venir), mais de voter pour nous aider à organiser au mieux le voyage à Rome au printemps prochain, au cours duquel nous rendrons visite à nos collègues de la Faculté de théologie vaudoise.
Il nous faut savoir rapidement le nombre de participants, dont dépendent les réservations et les options du voyage.

Merci de répondre à ce premier sondage qui est dans la colonne de droite, ici —>

Qu'on se le dise ! Merci d'avance !

vendredi 25 novembre 2011

Quand l'Amicale se réunit...

L'autre jour, au cours public, on a parlé de langage et de sacrement. Nos chers professeurs nous ont expliqué que les deux sacrements reconnus chez les protestants, le baptême et la cène, attestent de la proclamation du salut reçu par chacun, en la rendant visible. En ce sens, ce sont des éléments de langage, c'est du langage, qui proclame le message de l'Evangile au même titre qu'une prédication orale. Ce n'est pas un faire, c'est une proclamation, qui se manifeste dans les corps, corps des fidèles, corps de l'Eglise. C'est important parce que ça rend visible ce qui se dit, quand on invoque le nom de l'absent. Dans les sacrements, vraiment, Christ est présent, par son absence... 
Quant à nous, au Conseil de l'Amicale, quand nous nous réunissons, c'est en étant bien présents, d'ailleurs en général c'est tellement incarné qu'on se réunit autour d'un repas. (On vous a parlé des apéros de l'Amicale ? non ? je ne sais plus...). Alors donc, on est présents, on se réunit, et on cause. Et c'est très important parce que ça rend le futur possible, dites donc. Tiens, le voyage annuel de l'Amicale, vous devez être curieux de savoir où ça en est, non ? alors on ne va pas lever le suspense tout de suite, mais sachez quand même que nous franchirons les Alpes (et que nous hésitons entre le vol à voile et la méthode d'Icare pour ce faire). Autre sujet abordé : la fête de Noël. Je n'ai pas tout compris, on m'a parlé de vache et de prisonnier, mais je ne comprends pas pourquoi la vache a une frange ? pour y voir plus clair, je crains que vous ne soyez obligés, les amis, de venir à la fête de Noël, le vendredi 9 décembre à partir de 18 heures, qu'on se le dise ! Merci de vous inscrire auprès de Mireille pour le dîner, ça nous permet de faire les courses pour le repas en conséquence. Autre chose : un arbre de Noël sera confectionné par tous pour décorer la salle, rendez-vous à la salle Vincent pour laisser libre cours à votre créativité. 
On a aussi évoqué le soutien du Conseil de faculté au travail que nous faisons à l'Amicale. Ce n'est pas si fréquent dans une institution universitaire qu'une telle entente règne dans une instance paritaire. Cela souligne et manifeste que nous travaillons ensemble à la vie de la faculté ; ça nous encourage à continuer. 
On a enfin évoqué les relations que nous aimerions entretenir avec nos frères et soeurs étudiants de l'IPT Paris. Les amis, si vous nous lisez, on vous attend sur des projets à soutenir en commun ! 
Voilà, en gros, ce qui se passe dans les réunions de l'Amicale. Très bientôt, on vous parlera des rencontres et ateliers qui se mettront en place à la rentrée de janvier. D'ici là, nous restons présents et à votre disposition pour discuter, salle Vincent ou ailleurs, en toute amitié.

mercredi 23 novembre 2011

Pierre Soulages, lumière et liberté (1)

Vendredi 22 octobre 2010, dans la Salle des Actes de l’IPT à Montpellier, Pierre Soulages évoquait son travail devant une salle comble. Organisée grâce à l’audace et la ténacité d’un étudiant, cette soirée s’est déroulée comme une conversation entre le peintre, Pierre Encrevé, auteur du catalogue raisonné de son œuvre (œuvre dont une partie est conservée au Musée Fabre, ici même à Montpellier), et Raphaël Picon, doyen de l’IPT Paris. Raphaël Picon a rappelé que Pierre Soulages avait accepté de faire figurer un de ses tableaux, inédit à l’époque, en première page de l’ouvrage qu’il a signé avec Laurent Gagnebin, Le protestantisme : la foi insoumise (Flammarion, 2005). De fait, il n’est pas absurde de discerner une certaine parenté entre l’œuvre et la réflexion du peintre et la pensée de la Réforme. 
Au cours d’une soirée particulièrement dense et passionnante, on a entendu résonner un appel à la liberté laissée à chacun de trouver son propre écho face à une œuvre : tout signifiant est mis en retrait. Etrangement, en laissant le spectateur complètement libre de s’impliquer ou non dans l’œuvre, l’œuvre l’y appelle. Il n’y a rien d’autre à quoi s’accrocher, puisque le titre lui-même exprime, en n’indiquant que des données très matérielles (date, dimensions), qu’il s’agit d’« une chose, et pas d’un signe ». Cette démarche non normative, pour autant, n’est pas le résultat d’un choix : « ce n’était pas un choix, c’était une décision. Mais pourquoi… on ne sait jamais. En faisant, j’ai découvert ce que je cherchais. » Cette recherche ne se fait pas sans passer par la matérialité très réelle des choses ; Pierre Soulages se souvient avoir parcouru la rue de son enfance et y avoir contemplé des artisans au travail : « un tailleur… j’étais fasciné par la façon dont il prenait du tissu, plat, et ce qu’il en faisait sur le mannequin : c’était fascinant, le passage du plan au volume ! », mais aussi un relieur qui travaillait la peau, un cordonnier qui travaillait le cuir, et ceux qui travaillaient le bois. Le charpentier n’avait que trois outils, alors que le menuisier en avait des dizaines. Il y a chez Soulages une certaine méfiance face à l’outil, car « ils contiennent en eux-mêmes un programme ». En ramenant des pinceaux d’Orient, il s’est rendu compte qu’ils comportaient des inscriptions sur le manche, car chacun avait sa propre fonction ; son pinceau de prédilection était ainsi destiné à l’origine à la copie des textes bouddhiques sacrés… Il ne faut pas se laisser enfermer par un outil, dit-il. D’ailleurs, parfois, il faut créer son propre outil car rien ne répondra mieux au besoin de l’instant : un bout de carton peut être l’outil idéal.
Pierre Soulages s’en est rendu compte très tôt : ces artisans « étaient différents de moi. Ils savaient quoi faire et comment y arriver. Ce que je fais, c’est que je cherche ; je suis attentif à ce qui n’a pas d’importance mais en a une, fondamentale. » Cette ligne-là, le peintre la suit depuis longtemps. « L’outre-noir, c’est un autre champ mental que celui du noir. Je suis arrivé là par hasard. Un jour, je peignais, mais je n’arrivais à rien. Je pataugeais dans le noir… Je continuais à travailler sur quelque chose que je croyais mauvais. Et puis j’ai arrêté, je suis allé dormir une heure ou deux, et je suis revenu et je me suis aperçu que j’étais en train de peindre autre chose. » Ce qui avait changé, ce n’était pas la technique, ni la lumière ambiante – un subtil déplacement intérieur avait créé des conditions différentes et fait voir autrement ce qui était déjà arrivé et ce qui allait arriver. Un instant de conversion, dirait un théologien. Un demi-tour qui fait porter le regard ailleurs que sur le monde connu.
« Pour la gravure, ça a été pareil, un accident : un jour, j’ai fait un trou dans le cuivre avec de l’acide. » C’était irrécupérable, mais l’artiste a, malgré tout, tenté d’encrer et d’imprimer. Un geste apparemment inutile, sans enjeu, sans promesse de gain. Et qui pourtant a fait basculer toute l’expérience : « le papier n’était pas écrasé, il conservait sa texture propre, et le blanc se mettait à vivre par contraste avec le noir. » Cette démarche n’implique pas pour autant de se livrer aveuglément à un destin qui ne serait que d’accidents : « il faut être humble devant l’accident qui se produit : attentif à ce qu’on ne connaît pas », dit-il. Surtout, « il y a un dialogue entre ce que propose la matière et ce que j’accepte. Le cuivre, l’acide et moi, on collabore avec ça. » Ce n’est jamais se laisser voguer au courant des choses, mais bien accepter d’y puiser l’inattendu qui fera basculer vers autre chose de nouveau. « Faire ce qu’on veut faire, c’est bien, mais rencontrer ce qu’on n’attend pas, c’est encore plus intéressant… ». N’est-ce pas en ces termes que les théologiens tentent de questionner la rencontre de l’homme avec Dieu ? Et pourtant, Dieu, Pierre Soulages ne sait pas quoi en penser : « la seule chose que je sais, c’est que je ne sais pas. Dieu, c’est une idée trop humaine, trop pleine de ce que nous sommes… ». Voilà une façon économe et fulgurante de résumer Karl Barth, sans doute !
La liberté que Pierre Soulages s’impose, elle vient d’une forme de solitude assumée, d’une éthique peut-être, même s’il n’emploie pas le terme : « quand je peins, j’essaie de me sentir en face de moi-même. J’espère que les spectateurs se sentent eux aussi seuls face à eux-mêmes. » Dénudés, comme dit Jacques-Alain Miller, et reconstruits ? demande Pierre Encrevé : « oui ! j’aime beaucoup », répond le peintre. « Si l’œuvre n’est pas un jeu constructif, ça ne m’intéresse pas. Si ça ne va pas loin en moi, ça n’a aucun intérêt… ». Peut-être est-ce de là que vient l’émotion face à ses toiles ? L’artiste ne répond pas à cette question, comme si elle ne relevait pas son expérience propre et qu’il ne pouvait s’en approcher que de loin, dans une compréhension intellectuelle et distanciée.
(A suivre...)