mercredi 30 novembre 2011

Aux gros mots les grands remèdes

En théologie voyez-vous, rien n'est compliqué. C'est en tension. Parfois aussi, c'est profilé. Voilà pourquoi un théologien commence à se frotter les mains quand on commence à le titiller avec des gros mots comme "tradition" ou "communauté". A fortiori quand c'est lui qui les a choisis, les gros mots (on n'est jamais aussi bien servi que par soi-même). Ce soir donc, nous parlions au cours public de communauté et de traduction. Pardon, de tradition. Mais en fait, c'est pareil, ou c'est proche. Parce qu'il n'y a de tradition que trahissant le message qu'elle transmet. La tradition n'est pas reprise à l'identique de ce qui est transmis : il y a forcément, toujours, un écart. Ce que dira un théologien protestant, c'est qu'il faut donner une juste place à tous les éléments de la transmission : tradition, Ecriture et autorité. En d'autres termes, il faut veiller à ce que l'Evangile à transmettre ne soit pas emprisonné par la tradition, qu'il puisse rester une instance radicalement critique, y compris et peut-être surtout de la tradition. 
Mais alors, la tradition et l'Eglise, quel rapport ? Un rapport tout à fait essentiel. Mais paradoxal. Dans les confessions anciennes, l’Eglise est confessée : c’est ce qu’il faut croire. Que la foi concerne Dieu, bon, ok. Le Fils, soit. Le Saint-Esprit, va encore. Mais l’Eglise ? Pourquoi faut-il qu’elle soit prise dans le mouvement du croire ? Au même titre que Dieu, Père, Fils et Esprit ? L'Eglise comme corps du Christ, on veut bien y croire -- mais personne n’a jamais songé à en faire une nature divine de même nature que le père, le fils et l’esprit (certes, il y a dans le catholicisme une façon d'évoquer le corps mystique du Christ qui peut s'en approcher).
Alors c'est quoi, l'Eglise, à la fin ? L'Eglise, c'est une communauté. Or ce qui fait communauté, c'est ce qu'on a en commun ; mais ce qu'on a en commun en Eglise, c'est l'absence du Christ, donc ce qu'on n'a pas. Aujourd'hui, tout nous pousse à croire que c'est d'avoir quelque chose en commun qui nous permet d'être ensemble ; c'est ce qu'on recherche à tout prix ces temps-ci, se rassembler pour trouver en quoi on dit des choses semblables. Mais non, justement. Fondamentalement, l'absence du Christ, c'est ce qu'on a en commun. 
C'est là que la compréhension que les Réformateurs avaient de l'Eglise est importante. Ils précisaient qu'il était impossible de savoir qui, en vérité, fait partie de l'Eglise : il y a des croyants à l'extérieur de l'Eglise et il y a des faux croyants dans l'Eglise. Et alors ? alors, seul Dieu peut en juger. C'est le sens de la communion des saints : elle nous situe dans quelque chose de plus vaste que ce que l'on peut en juger. Seul, il m'est impossible de savoir d'où me vient ce dont je suis au bénéfice. La communion des saints, c'est aussi être au bénéfice de la foi des autres. 
Alors pourquoi faut-il qu'il y ait une Eglise visible ? L'Eglise n'est pas une assemblée ordinaire : c'est l'assemblée de ceux qui sont appelés par la parole de Dieu, par le Christ, établis par le Christ pour être son corps. Mais comme on le disait plus haut, c'est un corps qui n'a pas toute sa tête ! Ce corps témoigne de la présence paradoxale du Christ dans le monde. Imparfaite, limitée, jamais égale à l'Eglise invisible, l'Eglise visible est le lieu de l'unité. Cette unité ne nous appartient pas, elle ne procède pas de nous : elle fait altérité avec ce que nous vivons dans le monde. L'unité ne peut que faire irruption comme une grâce — pas par l'effort que nous pouvons faire, mais dans le partage de la parole et du pain. Il faut croire à l'Eglise... parce qu'on ne peut croire qu'en ce qu'on ne voit pas... 

mardi 29 novembre 2011

Pierre Soulages, lumière et liberté (2)

Pierre Soulages a vraiment compris à douze ou treize ans qu’il serait artiste. Une anecdote familiale raconte que lorsqu’il avait huit ans, on lui avait demandé ce qu’il était en train de dessiner à grands traits d’encre noire sur une feuille et qu’il avait répondu « un paysage de neige », provoquant les rires de son entourage. Ce qu’il voulait faire, en réalité, c’était rendre le blanc du papier. Lorsque, quelques années plus tard, il se trouve dans l’abbatiale Sainte-Foy de Conques, c’est une révélation : fasciné, exalté même par l’espace intérieur, il se dit « je serai artiste ». Cette rencontre va prendre un relief tout particulier lorsqu’il acceptera de créer des vitraux pour l’abbatiale, bien des années plus tard. « Le bâtiment était fait avec la lumière. J’ai refusé de travailler avec une maquette ou un procédé pictural comme l’aquarelle : je voulais utiliser la lumière du bâtiment même, alors j’ai commencé à chercher ». Il fallait que les fenêtres émettent la clarté, pas seulement qu’elles la laissent entrer. C’est ainsi qu’il a créé un matériau, un verre qui n’existait pas encore. Au premier essai, avec un verre incolore pour atteindre l’opalescence dont il rêve et surtout respecter, profondément, l’édifice tel qu’il était – voilà des variations de couleur et, surprise, le chromatisme qui arrive. Et, surprise encore, « le bleu qui manquait à l’intérieur, il était dehors ! » C’était totalement inattendu et ce furent trois minutes d’horreur pour l’artiste, avant qu’il ne puisse se dire que c’était une œuvre pour le bâtiment tel qu’il était devenu, tel qu’il était aimé désormais : « alors j’ai accepté ce qui était. C’est l’élément central de tout ce que je fais… ». Savoir céder sur ce qu’il croyait tenir pour accueillir ce qu’il ne connaissait pas : c’est le fil conducteur de ce qui a été déroulé ce soir-là avec Pierre Soulages. Là encore, n’est-ce pas, dans le langage de l’expérience artistique, ce que les théologiens évoquent lorsqu’ils tentent de définir la juste position face à Dieu ?
Le détour par l’apprentissage formel de la peinture a été vécu comme une frustration par Pierre Soulages. « On nous présentait la Renaissance comme l’époque de la rondeur, de la profondeur, de la perspective… illusion ! La peinture, ce n’est pas l’imitation. Les oiseaux chantent, les animaux dansent, mais seuls les hommes peignent. » Depuis qu’il y a des hommes, ils peignent, précise Soulages, qui continue : « je me suis aperçu que le noir, c’est la couleur d’origine de la peinture ; les hommes, il y a longtemps, peignaient avec du noir dans des endroits inaccessibles, dans le noir absolu : ils descendaient dans des grottes… » Mais le noir, ce n’est pas une histoire de symbolique pour le peintre ; car s’il a bien une symbolique – car c’est la couleur du deuil, des officiels, de l’austérité, voire de la fête – ce n’est pas là qu’est sa puissance. « C’est la couleur la plus active qui soit. Par contraste, elle fait changer les couleurs à côté : une couleur sombre va s’éclaircir et un blanc va devenir encore plus blanc ». L’outre-noir, ce noir vivant, n’est jamais monochrome, comme le rappelle Pierre Encrevé : il s’agit d’une « peinture mono-pigmentaire à polyvalence chromatique ». Dans le travail de la matière, c’est la lumière, encore, qui est en jeu. « Dans la peinture classique, la lumière vient de derrière le spectateur. Dans l’outre-noir, la lumière vient du noir vers celui qui regarde : elle le met dans l’espace de la peinture. Cette présence a lieu dans l’instant du regard : par rapport au temps. » C’est la différence avec la peinture traditionnelle, finalement : l’outre-noir, lui, est un point de nouage entre lumière, espace et temps. L’outre-noir, c’est « un autre monde, un autre pays, comme on dit outre-Manche ».
La contradiction, le paradoxe plutôt, c’est que le noir est la couleur qui est par elle-même la plus grande absence de couleur. Peut-être peut-on entendre les paroles de Pierre Soulages à propos de son œuvre comme une dialectique entre des pôles opposés, indispensables et paradoxaux même en eux-mêmes : la lumière et l’obscurité, la technique et l’accident, la présence et l’absence. Et finalement, l’incertitude inhérente à ce choix artistique – et éthique, sans doute aussi, un choix d’une exigence acérée – c’est ce qui permet de refuser tout programme. De ce refus découle un déplacement constant du regard et de la pratique, et de là, la liberté…
Il me semble qu’on peut, avec Michel Bertrand, doyen de la faculté de Montpellier, dire que l’œuvre de Pierre Soulages, et ce qu’il en a dit au cours de cette soirée, nous évoquent la singularité d’une démarche, la non-détermination farouche du sens et l’accueil d’une liberté offerte – toutes choses qui résonnent comme des analogies avec des choses qui s’enseignent et se vivent ici. 

samedi 26 novembre 2011

Votez !


On ne va pas vous parler des élections à venir (encore que ça pourrait venir), mais de voter pour nous aider à organiser au mieux le voyage à Rome au printemps prochain, au cours duquel nous rendrons visite à nos collègues de la Faculté de théologie vaudoise.
Il nous faut savoir rapidement le nombre de participants, dont dépendent les réservations et les options du voyage.

Merci de répondre à ce premier sondage qui est dans la colonne de droite, ici —>

Qu'on se le dise ! Merci d'avance !

vendredi 25 novembre 2011

Quand l'Amicale se réunit...

L'autre jour, au cours public, on a parlé de langage et de sacrement. Nos chers professeurs nous ont expliqué que les deux sacrements reconnus chez les protestants, le baptême et la cène, attestent de la proclamation du salut reçu par chacun, en la rendant visible. En ce sens, ce sont des éléments de langage, c'est du langage, qui proclame le message de l'Evangile au même titre qu'une prédication orale. Ce n'est pas un faire, c'est une proclamation, qui se manifeste dans les corps, corps des fidèles, corps de l'Eglise. C'est important parce que ça rend visible ce qui se dit, quand on invoque le nom de l'absent. Dans les sacrements, vraiment, Christ est présent, par son absence... 
Quant à nous, au Conseil de l'Amicale, quand nous nous réunissons, c'est en étant bien présents, d'ailleurs en général c'est tellement incarné qu'on se réunit autour d'un repas. (On vous a parlé des apéros de l'Amicale ? non ? je ne sais plus...). Alors donc, on est présents, on se réunit, et on cause. Et c'est très important parce que ça rend le futur possible, dites donc. Tiens, le voyage annuel de l'Amicale, vous devez être curieux de savoir où ça en est, non ? alors on ne va pas lever le suspense tout de suite, mais sachez quand même que nous franchirons les Alpes (et que nous hésitons entre le vol à voile et la méthode d'Icare pour ce faire). Autre sujet abordé : la fête de Noël. Je n'ai pas tout compris, on m'a parlé de vache et de prisonnier, mais je ne comprends pas pourquoi la vache a une frange ? pour y voir plus clair, je crains que vous ne soyez obligés, les amis, de venir à la fête de Noël, le vendredi 9 décembre à partir de 18 heures, qu'on se le dise ! Merci de vous inscrire auprès de Mireille pour le dîner, ça nous permet de faire les courses pour le repas en conséquence. Autre chose : un arbre de Noël sera confectionné par tous pour décorer la salle, rendez-vous à la salle Vincent pour laisser libre cours à votre créativité. 
On a aussi évoqué le soutien du Conseil de faculté au travail que nous faisons à l'Amicale. Ce n'est pas si fréquent dans une institution universitaire qu'une telle entente règne dans une instance paritaire. Cela souligne et manifeste que nous travaillons ensemble à la vie de la faculté ; ça nous encourage à continuer. 
On a enfin évoqué les relations que nous aimerions entretenir avec nos frères et soeurs étudiants de l'IPT Paris. Les amis, si vous nous lisez, on vous attend sur des projets à soutenir en commun ! 
Voilà, en gros, ce qui se passe dans les réunions de l'Amicale. Très bientôt, on vous parlera des rencontres et ateliers qui se mettront en place à la rentrée de janvier. D'ici là, nous restons présents et à votre disposition pour discuter, salle Vincent ou ailleurs, en toute amitié.

mercredi 23 novembre 2011

Pierre Soulages, lumière et liberté (1)

Vendredi 22 octobre 2010, dans la Salle des Actes de l’IPT à Montpellier, Pierre Soulages évoquait son travail devant une salle comble. Organisée grâce à l’audace et la ténacité d’un étudiant, cette soirée s’est déroulée comme une conversation entre le peintre, Pierre Encrevé, auteur du catalogue raisonné de son œuvre (œuvre dont une partie est conservée au Musée Fabre, ici même à Montpellier), et Raphaël Picon, doyen de l’IPT Paris. Raphaël Picon a rappelé que Pierre Soulages avait accepté de faire figurer un de ses tableaux, inédit à l’époque, en première page de l’ouvrage qu’il a signé avec Laurent Gagnebin, Le protestantisme : la foi insoumise (Flammarion, 2005). De fait, il n’est pas absurde de discerner une certaine parenté entre l’œuvre et la réflexion du peintre et la pensée de la Réforme. 
Au cours d’une soirée particulièrement dense et passionnante, on a entendu résonner un appel à la liberté laissée à chacun de trouver son propre écho face à une œuvre : tout signifiant est mis en retrait. Etrangement, en laissant le spectateur complètement libre de s’impliquer ou non dans l’œuvre, l’œuvre l’y appelle. Il n’y a rien d’autre à quoi s’accrocher, puisque le titre lui-même exprime, en n’indiquant que des données très matérielles (date, dimensions), qu’il s’agit d’« une chose, et pas d’un signe ». Cette démarche non normative, pour autant, n’est pas le résultat d’un choix : « ce n’était pas un choix, c’était une décision. Mais pourquoi… on ne sait jamais. En faisant, j’ai découvert ce que je cherchais. » Cette recherche ne se fait pas sans passer par la matérialité très réelle des choses ; Pierre Soulages se souvient avoir parcouru la rue de son enfance et y avoir contemplé des artisans au travail : « un tailleur… j’étais fasciné par la façon dont il prenait du tissu, plat, et ce qu’il en faisait sur le mannequin : c’était fascinant, le passage du plan au volume ! », mais aussi un relieur qui travaillait la peau, un cordonnier qui travaillait le cuir, et ceux qui travaillaient le bois. Le charpentier n’avait que trois outils, alors que le menuisier en avait des dizaines. Il y a chez Soulages une certaine méfiance face à l’outil, car « ils contiennent en eux-mêmes un programme ». En ramenant des pinceaux d’Orient, il s’est rendu compte qu’ils comportaient des inscriptions sur le manche, car chacun avait sa propre fonction ; son pinceau de prédilection était ainsi destiné à l’origine à la copie des textes bouddhiques sacrés… Il ne faut pas se laisser enfermer par un outil, dit-il. D’ailleurs, parfois, il faut créer son propre outil car rien ne répondra mieux au besoin de l’instant : un bout de carton peut être l’outil idéal.
Pierre Soulages s’en est rendu compte très tôt : ces artisans « étaient différents de moi. Ils savaient quoi faire et comment y arriver. Ce que je fais, c’est que je cherche ; je suis attentif à ce qui n’a pas d’importance mais en a une, fondamentale. » Cette ligne-là, le peintre la suit depuis longtemps. « L’outre-noir, c’est un autre champ mental que celui du noir. Je suis arrivé là par hasard. Un jour, je peignais, mais je n’arrivais à rien. Je pataugeais dans le noir… Je continuais à travailler sur quelque chose que je croyais mauvais. Et puis j’ai arrêté, je suis allé dormir une heure ou deux, et je suis revenu et je me suis aperçu que j’étais en train de peindre autre chose. » Ce qui avait changé, ce n’était pas la technique, ni la lumière ambiante – un subtil déplacement intérieur avait créé des conditions différentes et fait voir autrement ce qui était déjà arrivé et ce qui allait arriver. Un instant de conversion, dirait un théologien. Un demi-tour qui fait porter le regard ailleurs que sur le monde connu.
« Pour la gravure, ça a été pareil, un accident : un jour, j’ai fait un trou dans le cuivre avec de l’acide. » C’était irrécupérable, mais l’artiste a, malgré tout, tenté d’encrer et d’imprimer. Un geste apparemment inutile, sans enjeu, sans promesse de gain. Et qui pourtant a fait basculer toute l’expérience : « le papier n’était pas écrasé, il conservait sa texture propre, et le blanc se mettait à vivre par contraste avec le noir. » Cette démarche n’implique pas pour autant de se livrer aveuglément à un destin qui ne serait que d’accidents : « il faut être humble devant l’accident qui se produit : attentif à ce qu’on ne connaît pas », dit-il. Surtout, « il y a un dialogue entre ce que propose la matière et ce que j’accepte. Le cuivre, l’acide et moi, on collabore avec ça. » Ce n’est jamais se laisser voguer au courant des choses, mais bien accepter d’y puiser l’inattendu qui fera basculer vers autre chose de nouveau. « Faire ce qu’on veut faire, c’est bien, mais rencontrer ce qu’on n’attend pas, c’est encore plus intéressant… ». N’est-ce pas en ces termes que les théologiens tentent de questionner la rencontre de l’homme avec Dieu ? Et pourtant, Dieu, Pierre Soulages ne sait pas quoi en penser : « la seule chose que je sais, c’est que je ne sais pas. Dieu, c’est une idée trop humaine, trop pleine de ce que nous sommes… ». Voilà une façon économe et fulgurante de résumer Karl Barth, sans doute !
La liberté que Pierre Soulages s’impose, elle vient d’une forme de solitude assumée, d’une éthique peut-être, même s’il n’emploie pas le terme : « quand je peins, j’essaie de me sentir en face de moi-même. J’espère que les spectateurs se sentent eux aussi seuls face à eux-mêmes. » Dénudés, comme dit Jacques-Alain Miller, et reconstruits ? demande Pierre Encrevé : « oui ! j’aime beaucoup », répond le peintre. « Si l’œuvre n’est pas un jeu constructif, ça ne m’intéresse pas. Si ça ne va pas loin en moi, ça n’a aucun intérêt… ». Peut-être est-ce de là que vient l’émotion face à ses toiles ? L’artiste ne répond pas à cette question, comme si elle ne relevait pas son expérience propre et qu’il ne pouvait s’en approcher que de loin, dans une compréhension intellectuelle et distanciée.
(A suivre...)

lundi 21 novembre 2011

Le dossier saumon

En ces temps de synodes régionaux, votre pense-cloporte était à Fontenay-le-Comte, en Vendée, pour celui de la région Ouest (clic). Quand je regarde autour de moi, quand j’entends tout ce que nous faisons, tout ce que nous vivons, je me dis que cette Eglise est vraiment bien vivante. Pas d’angélisme (d’ailleurs chez nous les anges ont le visage du voisin et pas de petites ailes dans le dos), nous sommes bien tous humains, nous faisons des erreurs, des bourdes, nous avons des misères et des angoisses, mais tout ça est très vivant et plein d’espérance. L’énergique présidente de la région, Valérie Mitrani, nous a encouragés cette année à compter/conter les bienfaits de Dieu. Oui, ils sont nombreux... D’ailleurs nous aussi, étudiants en théologie, on l’oublie parfois et elle l’a rappelé, nous sommes des bienfaits de Dieu pour cette Eglise... Lui seul sait comment, mais nous pouvons nous emparer de cette promesse et aller de l’avant.
Parmi les bienfaits de Dieu pour notre Eglise, il y a nos finances. Vous froncez le nez ? Vous pensez que ça n’est pas très spirituel tout ça ? Mais au cours d’un synode, c’est un des sujets de discussion les plus essentiels. C’est ce qui organise notre vivre ensemble, avec les ressources dont nous disposons, pour les projets que nous nous donnons. Tout ça, c’est dans le « dossier saumon » du cahier pré-synodal que tous les délégués reçoivent quelques semaines avant un synode.
Un petit rappel de la structure presbytéro-synodale de l’ERF pour ceux qui n’en connaîtraient pas les finesses : le principe de base, c’est que tous les membres du gouvernement de l’Eglise sont des anciens, c’est-à-dire des gens qui ont été discernés par leurs collègues et élus par les assemblées générales des associations cultuelles, une pour chaque Eglise locale, dans le ministère collégial qu’on appelle conseil presbytéral ; les pasteurs sont membres de droit de ces conseils. Les seules ressources de l’Eglise, ce sont les sommes données par les gens qui font partie des Eglises locales (dons nominatifs, quêtes...). Les finances de l’Eglise se construisent d’abord au niveau des conseils : dans chaque consistoire, chaque année, il est débattu du pourcentage d’augmentation de la « cible » (la somme versée par chaque Eglise locale à l’Eglise dans son ensemble, pour payer le salaire des pasteurs, le fonctionnement de l’IPT, les adhésions aux organismes auxquels l’ERF adhère comme la FPF, par exemple, et les frais de fonctionnement divers) que chaque Eglise locale pense pouvoir accepter pour l’année suivante. Ce chiffre est transmis à la région, qui calcule un budget en conséquence.
C’est le synode national, auquel sont délégués des membres de tous les synodes régionaux, qui vote ce qu’on appelle le nombre maximum de desservants (NMD), c’est-à-dire le nombre maximum de ministres qu’une région peut se donner. En région Ouest, le NMD est de 37. En principe donc, il devrait y avoir 37 ministres en exercice dans la région. Sauf que... Sauf qu’on n’a de quoi en payer que 33 cette année. Quand les Eglises locales décident qu’elles ne peuvent pas augmenter leur cible de façon significative, c’est le nombre de ministres en poste qui baisse. C’est aussi le nombre et la qualité les projets qui sont menés dans une région et dans chaque Eglise locale : actions de formations pour les laïcs et les pasteurs, projets culturels, évangélisation, soutien aux communautés sans ministre... Et les communautés sans ministres le vivent avec douleur : deux ans, trois ans, parfois plus, sans pasteur, ça a un effet sur la vie de l’Eglise. Autant dire que la qualité du vivre ensemble est significativement dépendante de toute discussion financière dans notre Eglise.
Alors même si ça n’est pas passionnant en soi quand on n’aime pas trop les chiffres, ça vaut le coup de se pencher sur ces questions. Nous sommes en formation dans un institut qui dépend pour son fonctionnement de cette structure financière, nous bénéficions directement de la façon dont elle fonctionne dans la réalité et pour certains d’entre nous, nous serons appelés à servir en tant que ministres dans cette Eglise. Ce n’est pas ésotérique, ça fait partie de façon très réelle de ce qui se joue du côté de l’incarnation... C’est aussi là qu’on voit si une Eglise est bien vivante ou si elle s’étiole. Il faut le savoir pour compter/conter les bienfaits de Dieu !
Enfin il n'y a pas que ça dans un synode : il y a aussi la discussion sur le sujet synodal, cette année les textes organiques sur la réunion de l'Eglise réformée de France et l'Eglise évangélique luthérienne de France (la future EPUF) ; il y a tous les votes (voeux, propositions, budgets...); il y a les temps de discussion informelle ; il y a les informations données sur les activités de la région ; il y a le stand de la librairie (c'est à peine chrétien, à mon avis, de laisser une telle tentation sous le nez de pauvres et faibles synodaux), il y a le café et les gâteaux offerts par l'Eglise accueillante... et il y a les amis, qu'on revoit avec plaisir d'année en année. Il y a le dialogue avec ceux qui nous accueillent généreusement chez eux le soir. Il y a aussi, bien sûr, les beaux moments d'aumônerie. Tout ça se vit avec fatigue, agacement parfois, mais aussi avec une grande joie. 
D'ailleurs la Vendée est particulièrement chère au coeur de certains de l'IPT, parce qu'elle a accueilli l'été dernier l'aventure ERF on Tour... et si j'ai bien compris, nous sommes attendus de pied ferme pour l'été prochain ! Si ça vous intéresse, n'hésitez pas à jeter un oeil sur le blog de cette belle aventure (clic). Et puis en Vendée, il y a décidément des gens tout à fait épatants : mes hôtes m'ont fait connaître le blog du curé de Fontenay (clic) qui, ma foi, m'a tenue en haleine une partie de la nuit. L'oecuménisme au bout d'un synode réformé, qui l'eut cru ?

mercredi 16 novembre 2011

Brève de comptoir

Les mercredis à l'amicale, c'est apéro.
Si y a quelque chose qu'on sait, par chez nous, c'est bien ça.
Voyons le verre à moitié plein : ça ramène du monde.
Le seul soucis, c'est que c'est avant le cours public.  
De quoi se noyer dans un verre d'eau.
Ce soir-là, j'ai accepté un petit verre de pinot, mon frère y dit que c'est bon.
Mais c'était fort, fallait pas siffler la bouteille. Je l'ai passée à mon voisin de droite.
Je lève mon verre au sujet d'aujourd'hui :  
Tombeau vide et résurrection de la chair.



Et puis c'était l'heure déjà, je me suis pressée, mais pas assez semble-t-il, j'ai pas eu la nouvelle chaise, celle qui a un avantage : écrire autre part que sur ses genoux.
J'ai relu le titre : Tombeau vide et résurrection de la chair
J'ai relu le début du titre : Tombeau vide.
J'ai soudain pensé à cette histoire de verre à demi-vide, de verre à demi-plein, 
je me demandais si y avait un rapport.
Un tombeau vide, un tombeau plein ?
Et là, tout à coup, mais comme à chaque fois, la surprise de l'Évangile : Un Chrétien face au tombeau vide voit le verre à moitié-plein. Je vous embrouille ? Attendez que j'm'explique !

Il n'est plus ici.
Parce que voir le tombeau vide, remarquer le manque, l'absence, c'est comprendre la résurrection du Christ.
Comme Marie de Magdala, ou les pèlerins d'Emmaüs (autour d'un bon verre ?!), il n'est plus question de visuel ici, il s'agit à présent de la Rencontre, et de celle-ci comme évènement.
Un dépassement de toutes attentes et un dépassement de toutes morts.
Oser la confiance, une expérience du quotidien.
Parce que l'espérance est un risque à courir. 

A la vôtre !

mardi 15 novembre 2011

De la théologie au maquis

Quel luxe de s'offrir quelques années de sa vie pour étudier la théologie, réfléchir sur son parcours — qu'il soit passé ou à venir — et de s'ouvrir à une autre herméneutique de l'existence. Toutefois, nos douces rêveries et candides tracasseries ne devraient jamais nous faire oublier que nous sommes les successeurs d'autres étudiants en théologie qui n'eurent pas cette chance d'étudier dans la "paix", ou du moins la "non-guerre". Les deux choses sont bien distinctes. Il n'eurent pas cette chance de pouvoir se draper majestueusement dans la toge de l'homme ou de la femme impartiale! 
Ils n'eurent pas cette chance de pouvoir garder la pudeur de leurs sentiments. A un moment, cette réserve ne pouvait être que la crainte mal dissimulée de devoir sortir d'un état de neutralité intérieure. 


Je vous invite à lire sur ce lien qui — malgré une page ou deux en moins — décrit l'ambiance dans nos facultés de théologie protestantes avant et pendant le conflit mondial de 1939-1945. On ne se plaindra pas de ne pas être confrontés à une telle épreuve, mais il est important de garder toujours à l'esprit que celle que l'on appelle "guerre" n'est pas toujours celle que l'on croit...
L'idéologie du néo-capitalisme — sans oublier tous ses produits dérivés qui reposent sur lui : écologie, production "bio", médical à outrance, etc. — est sans doute une "paix glaciale" pour actualiser l'expression "guerre froide". Le "rideau de fer" est tombé, le mur de Berlin aussi. Mais c'est le "rideau de fric" et le "mur de dédain" que l'on a peu à peu dressés.

A titre personnel: je me souviens qu'ado, on envoyait des colis à nos proches en Pologne, de l'autre côté du "rideau": café, sucre, thé, soupe déshydratée, coton, rasoirs etc. Maintenant, le rideau n'est plus le même, et les colis alimentaires vont se récupérer à 6h00 du matin (si vous voulez avoir une chance de manger quelque chose) auprès de votre Resto' du coeur le plus proche.
Les victimes ne sont pas toujours celles que l'on croit...

En suffragance dans les Vosges, j'ai fait la connaissance du pasteur André Combes. Il fut résistant dans le Tarn avant de faire ses études de théologie. Il me disait lors d'une visite qui dura une après-midi complète: "Tu sais, le maquis, je me demande si un jour je l'ai quitté"




Au premier-plan: 
le futur pasteur André Combes défilant sous l'Arc-de-Triomphe à Paris.



Tréso





                 
                                                                                                                   

Dates à noter (la chronique du pense-cloporte)

Le travail de groupe, c'est important. On a tous quelque chose à apporter à l'effort commun. Tenez, prenez le chat, par exemple. Schleiermacher. Il n'a pas l'air comme ça, mais c'est une grande figure de la fac. Tous les étudiants passés et présents le connaissent, Schleiermacher. Certes, il ne s'appelle Schleiermacher que depuis l'an dernier, apparemment l'année d'avant c'était Karl B. et l'année d'avant Begadkephat (et encore avant on ne sait pas, Roudoudou* peut-être ?) - nous faisant soupçonner que son air légèrement égaré tient au moins autant à cette histoire onomastique compliquée qu'à son étourderie naturelle. Bref, Schleiermarcher-Karl-Begad, à part courir après les écureuils et parfois en croquer un (si), il semble n'avoir pas grand-chose à apporter à la communauté. Mais quand il s'approche en sinuant, des feuilles mortes plein le pelage et le museau humide, tout le monde tombe d'accord : l'IPT ne serait pas le même sans Schleiermacher. On m'a raconté il y a peu qu'à l'époque où il s'appelait Begadkephat, le prof d'hébreu partageait son pique-nique avec lui, même. 
Tout ça pour vous dire que je prends très au sérieux mon rôle à moi, le pense-cloporte, qui consiste à vous dire aujourd'hui ce que nous allons faire ensemble dans les quelques semaines à venir. Sortez vos agendas, on y va.

  • Réunion du Conseil de l'Amicale le 25 novembre. Si vous avez des idées lumineuses, faites-en part avant pour qu'on en cause !
  • Atelier conte biblique : nous commencerons le jeudi 1er décembre, l'après-midi. Merci de nous envoyer un mail pour indiquer votre intérêt et nous dire si 14h vous conviendrait.
  • Soirée ciné : on ne sait pas quand on commence mais ça ne saurait tarder.
  • Les jeudis de l'Amicale (qui, rappelons-le, aurons lieu ce semestre le mardi) : pareil, ça vient !
  • Soirée de Noël le 9 décembre : culte à 18h présidé par Emmanuel Correia, suivi d'une soirée festive (dîner offert par l'Amicale et animations diverses). D'ailleurs, on recherche des animations, faites-vous connaître, les amis ! Vous faites de la musique, des sketchs ou du macramé, il en faut pour tout le monde...

Si j'oublie quelque chose, je vous en prie, faites-m'en part. Vous me trouverez facilement, en ce moment je m'entraîne au macramé et je laisse traîner de longues ficelles partout derrière moi. Il suffit de remonter jusqu'à la source. 

* Ne cherchez pas, Roudoudou n'est pas un théologien contemporain ni un Père de l'Eglise, ni même un moyen mnémotechnique pour se souvenir des dates de publication des Commentaires sur l'épître aux Romains successifs. C'est juste joli pour un chat.

dimanche 13 novembre 2011

Le culte, mode d'emploi


C'est un pasteur, Didier Fiévet (un ancien de l'IPT Montpellier), qui a rédigé ce qui suit à l'occasion d'un baptême, pour donner des points de repère à ceux qui étaient là sans trop connaître les codes du culte. Je trouve que ça éclaire bien... même quand on connaît (ou croit connaître) tout ça par coeur.


" La trame du culte peut se comparer à la visite que l'on rendrait à un ami perdu de vue.
- On se déplace, on sonne à la porte. On vient au temple, l'orgue nous fait battre le coeur, comme la sonnette: qui va nous ouvrir ? Que dira-t-il ? 
- La porte s'ouvre et l'ami nous accueille d'un jovial « Salut ! entre ! Je suis tellement heureux de te revoir... ». C'est ce qu'on appelle la salutation: annonce de l'amour inconditionnel de Dieu. Tout est déjà dit. Invitation à entrer. 
- On entre, et on est ébahi par la beauté de la demeure, la vue exceptionnelle, les gravures et les photos qui célèbrent tant de souvenirs communs. On n'imaginait même pas qu'il ait pu les avoir gardées ! « C'est magnifique, chez toi ! ». Tel est le sens de la louange. 
- Puis, après quelque temps, vient ce qui nous taraudait depuis le début. On se lance à l'eau : « C'est dommage, j'avais pourtant juré de t'écrire. Ou de venir te voir... Mais tu sais... la vie... Non ! Pas seulement la vie, mais aussi la flemme, la peur... la distance... Tu m'en veux ? ». C'est ce qu'on appelle la loi qui conduit à la confession du péché. 
- Et l'ami de rire:« Mais tu seras toujours mon ami ! L'amitié, ça ne se mérite pas: c'est juste parce que c'est toi, parce que c'est moi. Rien d'autre ! ». C'est l'annonce et l'accueil de la grâce ! 
- Après ces préambules, l'apéritif en quelque sorte, vient le temps de passer à table. Et comme mets de résistance: la parole même de l'hôte. Ses récits et ses invités. C'est le temps des lectures bibliques et de la prédication. Non sans en avoir appelé au souffle d'amitié qui nous réunit. 

Le culte constitue un événement de parole, dans l'articulation entre la prédication (parole inédite) et la liturgie, « le faire mémoire » de ce qui nous a touchés, un jour. C'est cet événement qui constitue l'Eglise. Il l'appelle hors de la routine des jours et lui donne de témoigner que c'est là la source de la vie: la parole qui fait mémoire et événement ! "

samedi 12 novembre 2011

Soutenance

Notre ami Rodolphe, qui vient d'entrer en proposanat, va soutenir son mémoire lundi 14. Venez l'écouter ! il nous parlera de Moïse Amyraut. C'est à 11h, à l'IPT Montpellier.

Bravo Rodolphe !

Ceci, ami, pourrait être ton billet

La plume te chatouille ? une interrogation existentielle te titille ? tu t'ennuies entre deux exégèses ? tu désespères de coincer ce fichu patar toujours furtif ? tu as l'impression de conjuguer le verbe "décliner" à tous les sens ? tu viens de passer une heure à faire les coloriages de ta petite soeur, tu as les doigts tout verts et pas trop envie de t'attaquer à la prochaine dissertation qui t'attend patiemment ?

N'hésite plus ! rejoins la belle fraternité des auteurs de ce blog ! Envoie ton texte à notre adresse mail (là, dans la marge —>). Ca nous évitera d'écrire des bêtises, tiens... ou de coller ici des photos de chatons troooop mignons... Si. On est capables.

vendredi 11 novembre 2011

"Le" CGT

Non non, rien à voir avec la "Confédération Générale des Travailleurs".

Et pourtant, ce dont il est question ici, c'est bien du travail. Un très beau travail d'ailleurs.
Un travail théologique: c'est le "T". Quant au "G", il demeure toujours Général. Le "C", c'est pour Concours. Le "Concours Général de Théologie". Je vous invite à visiter le site:
www.le-cgt.org 
et d'y lire la bibliographie et les annales.
Il y a une mine de questions théologiques vachement pertinentes. Notez que le seul document autorisé est la Bible.

Cette année, le thème était "La mission". Les oraux auront lieu en mars. De nombreuses classes prépa de lycées de l'Enseignement Catholique y participent. Le Concours Général est ouvert à toutes et tous, sans aucune exigence de foi. L'idée est de plancher sur des problématiques théologiques et bibliques à la manière "disserte de philo".

Des voyages, bouquins, place de ciné sont a gagner, bien que l'enjeu ne soit pas la gagne, mais le plaisir de faire de la théologie. D'ailleurs, le lauréat de l'année se voit décerné le droit de participer à l'organisation de la session suivante.
Une belle idée de projet catéchistique pour les futurs pasteurs: envoyer vos "caté 2" au Concours Général de Théologie, ça peut être chouette. Ca peut être également une belle approche "propédeutique" avant d'entamer des études de théologie.
Mais ça peut aussi être une occasion sympa de s'amuser à une "disputatio" à l'écrit et à l'oral devant un jury.


Après un agréable contact avec les organisateurs, nous sommes toutes et tous invité(e)s à y participer, et les dates sont proches: 12 janvier pour les écrits. 17 mars pour les oraux. 
Les épreuves peuvent être organisées à Montpellier. Répondez vite à mon adresse: 


vandenwiele@hotmail.fr




Tréso

jeudi 10 novembre 2011

Bob Radix: un pasteur pas comme les autres

C'est tellement pas banal, qu'on ne peut pas ne pas le souligner:
Robert Radix est un pasteur - un vrai de vrai - qui oeuvre dans la Communion des Eglises de l'Espace Francophone (CEEF), au sein de la Fédération Protestante de France (FEP).

Et il se met en scène à la manière des formats courts de Canal+.

On aime ou on n'aime pas, n'empêche que ça existe, et que c'est vraiment pro.
Ces sketchs présentent le grand avantage de répondre sous forme d'humour à des questions archi-fondamentales que l'homme et la femme de la rue, sans repères dans l'espace des religions, se posent.

Au gré des conversations, quand on dévoile un peu sa foi, il n'est pas rare qu'on vous dise:
"Vous êtes protestant? Ah... Non parce que moi je suis chrétien..."
Ou bien qu'on vous pose la classique des classiques:
"Mais en fait, c'est quoi être protestant?"

Alors, je vous laisse apprécier:
les vidéos et le dossier de presse sont dans les "liens" du blog.












Tréso

mercredi 9 novembre 2011

Mort du Fils, fin du sacrifice

Après la mort de Jésus, les chrétiens n'avaient pas la tête à décider qu'ils s'appelleraient un jour chrétiens et que ce qu'ils allaient dire changerait le monde et la façon de penser Dieu. Après la mort de Jésus, ils étaient catastrophés. Jésus mort - mais pas seulement ça : Jésus mort par le sacrifice réservé aux esclaves, aux criminels. Un renversement total de Dieu. Le récit consacré aux pélerins d'Emmaüs évoque cela, ce désespoir face à un événement auquel il fallait donner du sens, absolument.
Comment interpréter la mort de Jésus ? A chaque génération de chrétiens, il a bien fallu se représenter, à nouveaux frais, cette mort du Fils de l'Homme, du Fils de Dieu, de Dieu lui-même, sur la croix. On a beaucoup figé cette question, parfois, dans des dogmes qui entendaient donner une réponse à cette énigme. On a pensé ça sous le motif du rachat : en échange du pardon et de la grâce, Christ a pris le péché. Ou alors, plus pervers, on a pu penser que Dieu a lui-même pourvu au sacrifice qu'il exigeait pour l'immensité du péché des hommes qui le mettait en colère. Mais quel est ce Dieu-là ? qu'est-ce ça cache, un tel sacrifice? qu'est-ce qu'il va exiger en retour, qui permette de repayer, au moins un peu, un tout petit peu, cette nouvelle et immense dette dont on a hérité ? On n'en sort pas.
Est-ce qu'on peut penser autrement ? est-ce qu'on peut penser que la culpabilité n'est pas le prix à payer pour ce don qu'on nous dit gratuit mais auquel il est si difficile de croire ?
Oui, on peut. C'est là qu'est l'Evangile. 
La croix atteste que Dieu est radicalement différent de ce qu’on attendait. Il n’est pas celui à qui on sacrifie quelque chose, mais celui qui se révèle dans le crucifié, se solidarise avec celui qui meurt. Il n’est pas où on le cherche. Folie, scandale. Or, paradoxalement, cette mort a du sens. Parce que je sais en regardant à la croix que je me trompe sur Dieu... Celui qui reconnaît à la croix qu'il se trompe sur le lieu où Dieu se trouve, il est alors en communion avec ce Dieu-là. Alors cette mort est efficace, oui ! mais pas sacrificielle, non ! elle est efficace parce qu'elle manifeste la logique de la révélation et du don de Dieu. Ce que ça veut dire, c'est que, au moment même où notre sagesse nous fait passer à côté de Dieu, alors on le rencontre.
Nous pouvons, alors, confesser un Dieu qui meurt - et qui emporte dans cette mort toutes les représentations que nous nous en faisons. Ce qui meurt à la croix, c'est le Dieu archaïque... La croix, c'est le sacrifice du Dieu qui exige le sacrifice pour sa satisfaction. 
Ce Dieu que nous confessons, c'est le Dieu incompréhensible qui offre dans un geste incompréhensible, fou, scandaleux, le don absolu, fait une fois pour toute. Alors c'est un Dieu d'Evangile, un Dieu de la bonne nouvelle qui libère absolument.
Voilà de quoi il s'agissait, fondamentalement, ce soir au cours public à l'IPT. Alors avec un peu de chance, on a entendu une bonne nouvelle. 
Sinon, on peut toujours sourire. L'autodérision, ça s'appelle...

Didaskalos (à moëlle)

Le respect dû à nos chers professeurs, ils continuent à se battre pour le gagner tous les jours (alors que bon, nous, on est tout disposés à le considérer comme donné une fois pour toute, sympa comme on est). Ce n'est pas une sinécure. Mais il nous faut nous incliner. Total respect. Savoir, par exemple, d'où l'otarie tient son nom, c'est magnifique. Parachever cette oeuvre par de bons mots qui continuent à nous faire nous esclaffer dans les couloirs bien après l'heure de la fin du cours, c'est quasi miraculeux. En plus, c'est quasi de la maïeutique, on est cultivé ou on ne l'est pas. Je cafte ? Je cafte.
Question : Savez-vous pourquoi les curés n’ont pas de voiture ? Réponse : parce qu’ils ont les vêtements sacerdotaux.
Question : Savez-vous pourquoi les curés n'ont pas de freins sur leurs vélos ? Réponse : parce qu’ils mettent de la poudre à récurer.
Professeur de théologie, c'est un ministère subtil et complexe. Heureusement que les étudiants sont là pour porter humblement et avec eux quelque chose du poids infini de cette responsabilité. Non ? 

mardi 8 novembre 2011

Notre Faculté il y a 80 ans!

Vous reconnaissez le toit, derrière les deux sauvages? Oui oui, c'est bien notre Fac... 
A côté, on se dit qu'on est bien sages... trop sages! Bref. Voilà les festivités qui entouraient l'élection du président des étudiants! Je vois bien notre président actuel en petite tenue au milieu du parc... 

Allez voir un peu le blog où j'ai pêché cette photo (également en lien sous le titre "Notre Faculté en 1932"). Il regroupe une jolie collection de photos d'époque où l'on découvre les visages et les traditions de nos illustres prédécesseurs. Ca vaut franchement le détour.

Tout fout le camp!

Tréso

lundi 7 novembre 2011

Good luck Mister President!

Il était parmi nous il y a encore quelques petits mois, achevant son Master Professionnel. Il fut le président de notre Amicale pendant plusieurs années universitaires. Le voilà en paroisse dans les Vosges, auprès du secteur Thaon-les-Vosges, Epinal, Remiremont: Jean-Charles Beauchamp. Pardon! Pasteur Jean-Charles Beauchamp...
C'est qu'en plus, son culte d'accueil a fait l'objet d'un court sujet aux infos régionales. Vous trouverez la vidéo dans les "liens". Le sujet se trouve à 1:12 mn du début.
Mon cher Jean-Charles, tous nos voeux d'accomplissement dans cette région que je connais un peu.
La robe noire te va comme un gant.

Tréso

dimanche 6 novembre 2011

Galerie de portraits (I)

Bien souvent, les noms qui jalonnent les études de théologie deviennent des sortes de labels, ou des sacs vides que l'on remplis d'idées et de concepts glanés ça et là. Finalement, on réduit souvent la vie entière des ces personnages à vivre leur foi, à la penser, et à la défendre face à toutes les cataclysmes du XXe siècle en une phrase laconique.

"Barth": théologien de la "dialectique" qui a dit Nein à Emil Brunner et qui a mal tourné sur la fin avec sa Dogmatique...

"Bonhoeffer": théologien de la "dialectique" aussi, mais beaucoup plus recommandable que Barth, car il n'a pas écrit une Dogmatique et que sa pensée est beaucoup plus existentielle.

"Bultmann": théologien de la "démythologisation" à ne pas confondre avec la "démythisation".

"Ricoeur": un type qui a l'air super intéressant, sauf que ses phrases sont trop compliquées...

"Moltmann": son nom me dit kek'chose... mais vous dire sur quelle chaîne je l'ai vu...

Il ne faudrait tout de même pas perdre de vue que chaque nom signifie une vie entière, un visage, un regard, des paradoxes, etc. Alors, redonnons-leur leur visage un instant, et oublions tout ce qu'on peut nous apprendre sur eux pour les apprécier pour ce qu'ils sont: des individus. Pas des livres.


Karl BARTH

Karl BARTH et Martin Luther KING


Paul TILLICH



Paul TILLICH qui fait l'âne


Rudolf BULTMANN


Emil BRUNNER


Emil BRUNNER en chair


Albert SCHWEITZER


Martin HEIDEGGER et Rudolf BULTMANN


Dietrich BONHOEFFER


Eberhardt JÜNGEL


Jürgen MOLTMANN


Paul RICOEUR


Wolfart PANNENBERG

samedi 5 novembre 2011

Flash back

Les nouveaux étudiants ne le savent peut-être pas, les plus anciens l'ont peut-être déjà oublié, mais le Président de la République avait inauguré le 27 mai 2010 la Faculté de Paris à la suite des travaux de réfection ainsi que le Fond Ricoeur aménagé à cette occasion.

Une vidéo sympa retrace l'ensemble des festivités des trois jours d'inauguration.

Au-delà de l'aspect purement protocolaire, il est important de garder à l'esprit que l'on étudie et que l'on participe à une institution qui n'est pas anecdotique et qui participe à la vitalité du protestantisme français.
                                                                                         
Tréso

vendredi 4 novembre 2011

Et pourtant...

En 1974, Jean Ansaldi qui était encore pasteur de paroisse à Uzès a rédigé le texte qui suit pour la revue ETR ("Ministère pastoral en paroisse", ETR 1974/3, p. 323-333). Bien qu'un peu daté par certains détails (le pasteur au masculin, la référence à un VP laïc à une époque où c'est le pasteur qui était quasi systématiquement le président du CP), il nous semble aussi éclairant qu'il l'était alors, pour ceux d'entre nous qui se posent la question du ministère pastoral, mais aussi pour les autres...

Trop d'hommes sont entrés dans le ministère qui n'équilibraient leurs propres problèmes personnels que grâce au statut social du pastorat. Celui-ci s'est effondré (Dieu merci !) et il en est résulté des crises graves. La tentation est alors grande d'habiller son malaise d'un langage théologique et de retrouver un nouvel équilibre en agressant l'Eglise. C'est l'éternel destin de l'agressivité que d'être un équilibrant de l'angoisse. Il y a eu trop de souffrance chez les pasteurs et dans les Eglises pour qu'il soit encore possible d'exhorter, sans autres, les étudiants en théologie à devenir pasteur de paroisse:

  • Ne le devenez pas si pour votre équilibre personnel vous avez besoin d'un statut social précis, comprenant des repères techniques, s'articulant sur des tâches claires et des pouvoirs définis. Etre pasteur de paroisse, c'est accepter d'être socialement un improductif, un non-spécialiste.
  • Ne le devenez pas si pour votre équilibre personnel vous avez besoin de voir tôt ou tard le résultat tangible de vos efforts. Tout pasteur de paroisse vit dans une constante situation d'échec professionnel. 
  • Ne le devenez pas si vous ne pouvez remettre régulièrement votre vie en question dans un dialogue avec un collègue ou un vice-président de Conseil presbytéral par exemple.
  • Ne le devenez pas si vous êtes davantage tentés par la parole que par l'écoute, par l'abstrait que par le concret, par l'universel que par le local.
  • Ne le devenez pas si vous ne pensez pas pouvoir exercer une autorité réelle sans la médiation d'un certain nombre de pouvoirs. 
Ne le devenez pas... et pourtant... Même si vous ne répondiez pas à l'idéal ci-dessus décrit mais que vous vouliez apprendre du Christ à regarder chaque situation avec amour et espérance, alors sachez que je connais beaucoup d'hommes dans ce ministère qui n'échangeraient pas leur joie pour un plat de lentilles.

Etre "fondamentalement non-fondamental"...

"Etre fondamentalement non-fondamental"...
Cette petite phrase d'un grand théologien du XXième siècle—son nom commence par Karl et finit par Barth— à propos de sa conception de faire de la théologie, peut nous servir à comprendre ce qu'a pu ressentir un auditeur d'une radio étasunienne à l'écoute d'une chronique religieuse qui devait frôler le niveau zéro de l'analyse historico-critique...
Voici le thème de son intervention: "L'homosexualité est une perversion: c'est ce que dit la Bible dans le livre du Lévitique, chapitre 18, verset 22 :

"Tu ne coucheras pas avec un homme comme on couche avec une femme :
ce serait une abomination".La "Bible le dit. Un point c'est tout", affirma-t-elle.

Voici la réponse q'un auditeur envoya au standard et qui est un exemple dans son genre :


- Merci de mettre autant de ferveur à éduquer les gens à la Loi de Dieu.
J'apprends beaucoup à l'écoute de votre programme et j'essaie d'en faire 
profiter tout le monde. Mais j'aurais besoin de conseils quant à d'autres
lois bibliques.
- Par exemple, je souhaiterais vendre ma fille comme servante, tel que
 c'est indiqué dans le livre de l'Exode, chapitre 21, verset 7. A votre avis,
 quel serait le meilleur prix ?
- Le Lévitique aussi, chapitre 25, verset 44, enseigne que je peux posséder
des esclaves, hommes ou femmes, à condition qu'ils soient achetés dans
des nations voisines. Un ami affirme que ceci est applicable aux mexicains,
mais pas aux canadiens. Pourriez-vous m'éclairer sur ce point ? Pourquoi 
est-ce que je ne peux pas posséder des esclaves canadiens ?
- J'ai un voisin qui tient à travailler le samedi. L'Exode, Chapitre 35, verset 2,
 dit clairement qu'il doit être condamné à mort. Suis-je obligé de le tuer
moi-même ? Pourriez-vous me soulager de cette question gênante d'une
quelconque manière ?
- Autre chose : le Lévitique, chapitre 21, verset 18, dit qu'on ne peut pas
s'approcher de l'autel de Dieu si on a des problèmes de vue. J'ai besoin
de lunettes pour lire. Mon acuité visuelle doit-elle être de 100% ? 
Serait-il possible de revoir cette exigence à la baisse ?
- Un dernier conseil. Mon oncle ne respecte pas ce que dit le Lévitique,
chapitre 19, verset19, en plantant deux types de culture différents dans
 le même champ ; de même que sa femme qui porte des vêtements faits
de différents tissus, coton et polyester. De plus, il passe ses journées 
à médire et à blasphémer. Est-il nécessaire d'aller jusqu'au bout de la 
procédure embarrassante de réunir tous les habitants du village pour
lapider mon oncle et ma tante, comme le prescrit le Lévitique, chapitre 24,
verset 10 à 16 ? On ne pourrait pas plutôt les brûler vifs au cours d'une
 simple réunion familiale privée, comme ça se fait avec ceux qui dorment
 avec des parents proches, tel qu'il est indiqué dans le livre sacré,
chapitre 20, verset 14?
Je me confie pleinement à votre aide !!!
Et oui, c'est tellement plus simple de faire dire à "Dieu"tout haut ce que l'on pense tout bas...
Seigneur, prend pitié de nous...


Le trésorier.

jeudi 3 novembre 2011

C'est ça qui est en jeu

On commence par un apéro. Bon, ça, on connaît, tout le monde sait faire, pas dur.
Ensuite on ferme la salle de l'Amicale (on ferme aussi les volets sinon Michel le nouveau factotum est tout fâché le lendemain) et puis on traverse la cour avec les galets qui roulent sous les pieds (comme à plage en Bretagne, oui) et puis on va s'installer dans la Salle des actes (la plus grande et la plus belle des salles de notre IPT de Montpellier, vous verriez ça, c'est magnifique, d'ailleurs un jour on a même reçu le peintre Soulages dans cette salle, alors, vous voyez comme c'est chic, et puis même cette année, en tout début d'année, c'est Axel Kahn qui est venu nous causer, alors bon, quand même, elle est bien cette sallle). Là où ça se complique (parce que là, encore, c'était simple), c'est qu'on est venus là pour écouter une conférence. Et même une conférence théologique
C'est que cette année, deux de nos professeurs se sont mis en tête de nous exposer à nouveaux frais les grands dogmes du christianisme. Selon d'où vous lisez ça, c'est soit très affligeant ("pfff franchement, le christianisme, déjà, bon... c'est un peu dépassé, non ? et puis les dogmes, alors franchement... on n'est plus au Moyen Age, hein...") soit totalement bousculant ("on peut penser les dogmes pour aujourd'hui ? noooooon ?"), et entre les deux, des nuances qui correspondent à votre propre sensibilité pour le cas où vous êtes, comme nous, assis dans cette salle en train d'écouter de quoi ils causent, nos deux profs, là. Exemple : le péché. Si, c'est moderne, le péché. C'est même tellement moderne que c'est de toujours. Le propre du péché, c'est que ça réduit le possible de l'être, voyez-vous. C'est ce qui depuis toujours travaille l'humanité de l'extérieur, dans un combat qui ne peut être qu'intérieur. Ce qui est en jeu, c'est que malgré le péché, il puisse s'ouvrir du possible et de la liberté : au fond, la liberté est asservie et elle doit être rendue libre. 
Du coup, si on a tout bien suivi, ça veut dire que croire qu'on est libre par soi-même, c'est le pire des enfermements, parce que c'est celui qu'on ne voit même pas. On nage en plein paradoxes et on le sait. Et on le pense. On le systématise, même, parfois. 
C'est sûr, dit comme ça, ça a l'air compliqué. Mais là où c'est très fort, c'est que ces mots-là, ils sont libérateurs. Vous avez l'impression que c'est de la spéculation intellectuelle trop pointue pour être utile à qui que ce soit ? Ben non. Peut-être bien qu'on passera une vie à le comprendre, mais que ce soit dit, c'est quand même essentiel.
Après, on ferme la salle et on retourne finir les cahouètes. Parce qu'on a compris un truc, ou juste parce qu'on ne peut quand même pas laisser des cahouètes dans un fond de bol quand on est des gens polis ? Parce que dans un monde où le mal est silencieux, il n'y a rien de mieux que la parole.
C'est ça que ça veut dire. Fondamentalement.