Nous
apprenons à parler ; çà s’appelle homilétique, et en soi
le vocable est une leçon d’anti-communication. Mais l’avantage
de commencer par un gros mot, c’est que tout après paraît plus
simple.
Pour
la vingtaine que nous étions ce mercredi matin-là les professeurs
Michel Bertrand, Dany Nocquet et Elian Cuvillier nous disaient leur
tendresse pour les textes ; mais ils ne nous faisaient pas
mystère des pièges pour le futur prédicateur, un défi qu’ils
nous invitaient à relever.
Naturellement
les auteurs des textes bibliques étaient déjà des théologiens ;
même dans les récits de l’Ancien Testament apparemment les plus
indéchiffrables pour notre culture – la peau cloquée de Naaman,
les fesses de la belle Rachel –, il y a souvent l’illustration
d’un message enfoui qui nous concerne. Comme on prêche le Nouveau
Testament, on peut prêcher l’Ancien.
Quel
que soit le passage biblique retenu, il faudra dépasser notre
travail préalable d’explication mot à mot : nécessaire pour
éviter les contresens, il ne suffit pas à en faire entendre
l’inspiration. Mieux vaut se mettre à l’écoute du message du
texte, et y accompagner l’assemblée.
A
l’écoute du texte, ce n’est donc pas développer sa
préoccupation personnelle, ou se laisser envahir par son idée du
moment. Mieux vaut se rendre disponible à l’interpellation
dérangeante qui résonne à la lecture du texte, que se raconter
soi-même, ou gloser sur l’actualité immédiate, ou encore se
mettre à la remorque de l’idéologie à la mode. Le risque de ces
captures, c’est de se priver, et de priver l’auditoire, de la
leçon du texte lui-même, qui nous interroge et souvent nous
déplace.
C’est
peut-être une évidence, mais la chaire n’est pas non plus le lieu
de régler des comptes ; le prédicateur doit s’appliquer à
lui-même l’interpellation qu’il entend dans le texte ; les
vraies vérités sont bonnes pour tout le monde, et pour le
prédicateur en premier lieu.
C’est
parce qu’on se sera mis devant l’Ecriture, loyalement, avec le
goût de la lire et de la faire lire, sans la capturer d’aucune
manière, qu’elle pourra être entendue par les membres de
l’assemblée : cette histoire me concerne, aujourd’hui, dans
mon existence, elle me transmet quelque chose d’important. Cette
vérité devant la parole est un chemin de crête, en réalité, et
chacun de nous est à son tour, et si peu que ce soit, concerné par
les travers qu’on vient de décrire, si bien qu’il est parfois
pénible de s’écouter parler, alors qu’on aurait voulu entendre
l’annonce de l’Evangile, toujours au delà de ce que nous disons.
Heureusement
Luther ne mâche pas ses mots: « le fait que Dieu nous donne sa
parole par de méchants fripons et par des impies, n’est pas une
petite grâce ». Au fond, cela nous rassure pour relever les
défis de la prédication.
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