jeudi 16 mai 2013

Rond & carré #4


C’est quoi, l’inspiration ? Et est-ce que ça existe vraiment ? « Je ne crois pas au mythe de l’inspiration » disait le chanteur Nick Cave récemment aux Inrockuptibles : « c’est très surestimé. Il y a parfois des révélations, mais sans travail derrière elles ne servent à rien. »
J’ai lu cet interview avec approbation. Oui, je l’avoue, je suis un petit-fils de ma grand-mère qui, même à 93 ans, reste une workaholic. La création demande du taf ! De temps en temps , c’est bien de démystifier les choses. Si on veut être créatif, forcément ça veut dire qu’on doit bosser. Il faut sortir de notre ‘paresse naturelle’ : l’inspiration c’est quelque chose à chercher activement. C’est pourquoi chaque matin Nick Cave dit à sa femme : « Je vais au bureau ! » avant de se mettre à écrire de la musique.
En même temps, j’ai du mal à croire que travailler seulement suffit à créer des belles choses. Mes propres expériences, aussi banales soient-elles, m’obligent quand même à croire à ce que Nick Cave appelle des ‘révélations’. Ça m’est arrivé en rédigeant des textes, que ce soit un plaidoyer en tant qu’avocat, ou que ce soit une prédication en tant que théologien.
Écrire, ça commence pour moi avec lire. Je cherche le silence pour lire dans tous les sens, jusqu’au moment où il y a des mots qui entrent, qui me touchent. Là, je commence à me poser des questions. Pourquoi ça me touche ? Quel intérêt ? Quels échos ça donne ? Je laisse mijoter les mots, je mâche mes mots, si vous voulez. Et j’attends, sans trop attendre, s’il y a quelque chose qui me dépasse, qui se crée et qui crie - pour rompre le silence.
Il y un lien invisible entre lire et écrire. C’est le lien indissociable entre créer et être créé. Et c’est dans ce domaine-là que se trouve l’inspiration. J’ai connu une bibliothèque où il y avait un avertissement à l’entrée : « Prenez garde, de ne pas vous faire dévorer par les livres ! » Effectivement, créer c’est chercher activement l’inspiration et la subir ensuite. L’initiative est à moi, mais le résultat reste en quelque sorte insaisissable. Ou mieux : c’est le résultat qui me saisit, à ma propre surprise.
Ou est-ce que je me trompe ? C’est bien possible que ce que j’appelle des révélations ne le sont point. Alors, faut-il les démystifier ? J’en suis pas sûr. J’aime trop mon petit pays de merveilles dans mon coeur, qui se trouve entre ma cour de récré et ma cuisine intérieure. J’en suis même dépendant, comme je suis dépendant du taf d’ailleurs. Et finalement, j’aime bien les mythes. Ça fait rêver.
Fabian Keijzer

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