lundi 7 janvier 2013

Vocation, de la joie à la vie

Le séminaire de Master qui réunissait des étudiants de Suisse, de Paris et de Montpellier à l'IPT de Paris s'est terminé, la fin du monde n'a pas eu lieu et l'année nouvelle est apparue. Les vacances ont pris le relais de la réflexion sur la vocation et ces vacances à leur tour se terminent. Occasion pour moi de revenir brièvement sur le sujet de la vocation, qui occupe un certain nombre de théologiens, notamment ceux qui s'interrogent sur la leur, de vocation... 
Peut-être, au fond, que la seule question qu'il soit utile et nécessaire de se poser, c'est : "Est-ce que la Parole de Dieu peut passer par moi ?" Non pas "en suis-je digne" mais "Dieu peut-il agir ainsi ?" Si quelque chose risque de mettre un obstacle tel à la Parole de Dieu que celle-ci ne puisse plus être audible, alors la vocation sera un échec. Mais si rien d'autre que la nature humaine, sa fragilité, sa faiblesse, ne se présente comme un obstacle possible, alors la vocation peut prendre racine. On ne parle pas ici d'être "digne" du ministère. En effet, identifier la personne et la fonction du ministre, c'est s'exposer à retomber dans les travers du donatisme : rechercher d'abord et avant tout la pureté des ministres c'est renoncer à la théologie de la grâce. Nous avons à annoncer que le Christ justifie tous ceux qui croient, pourquoi cela devrait-il passer par une exigence, pour nous-mêmes qui nous interrogeons sur notre vocation, de pureté morale ? Ce n'est pas là qu'agit la grâce. La grâce n'agit pas par fonction. L'Esprit souffle où il veut. 
L'introspection, l'examen de conscience, peut-il donner une quelconque assurance au ministre impétrant ? Je ne crois pas que ce soit là que se joue vraiment la vocation. Paul, avec son épine dans la chair, n'en avait pas moins la certitude d'être apôtre. Cette blessure qui revenait, s'imposait, sans qu'il puisse la contrôler en rien, n'empêchait pas la Parole de passer par lui. La bénédiction de Dieu, la grâce donnée et reçue librement, voilà ce qui lui permettait d'agir en chrétien et en apôtre : ce ne furent ni la guérison ni la certitude d'être juste par lui-même.
Il me semble d'ailleurs que dans l'examen d'une expérience aussi subjective que l'appel reçu, on ne peut guère se passer de la notion d'inconscient. Ce qui est vécu comme venant d'ailleurs et qui pourtant fait vivre et met en route, joyeusement, sans qu'on puisse le contrôler, ça ne peut relever que de l'insu. On ne met jamais précisément le doigt sur le "pourquoi" on est appelé. On peut penser avoir les qualités nécessaires, les compétences utiles, mais ça ne donne pas la joie profonde qui vient avec ce qui fait réellement vivre. L'inconscient, c'est le coeur d'une anthropologie qui décale l'être humain de son propre centre, qui lui reste toujours inaccessible. On peut le voir comme une menace (se sentir mis en route par ce qui ne nous est pas connu, au plus intime de notre être, peut être ressenti comme une perte de contrôle effrayante) ou comme une chance extraordinaire (l'abandon à la confiance). Je crois que sans une véritable réflexion sur les fondements inconscients de la vocation, on passe à côté du problème. Il ne s'agit pas d'introspection et d'auto-analyse. Il s'agit de la certitude que l'essentiel nous échappe, que nous ne sommes pas au fondement de nous-mêmes. Et que c'est bien ça qui fait vivre.
Heureusement, la fatale introspection qui condamne celui qui se pense appelé mais refuse, ne se sentant pas digne, cette introspection n'est pas le coeur du choix. Ce qui fera vraiment la différence, c'est le discernement de l'Eglise, qui affirmera qu'une vocation est reconnue par une communauté humaine. C'est la vocation externe chez Calvin, médiate dirait Luther : d'autres que lui-même pourront confirmer au futur ministre que rien ne s'oppose à ce que la Parole de Dieu puisse passer par lui. Ca ne garantit rien. Ca ne fait pas agir la grâce. Mais ça permet au ministre de partir, joyeux et confiant, sur les routes que trace la grâce déjà venue et à venir !
PRG

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