mardi 18 décembre 2012

Stéréotypes

Devant l'amphi de l'IPT Paris, de l'autre côté du mur, flotte un inattendu drapeau tricolore. Comme un petit coup d'oeil de la société qui viendrait faire traîner un oeil discret sur nos débats de théologiens. 
La vocation, donc. On ne la choisit pas, on y consent ; pour le dire autrement, on ne se choisit pas soi-même. Du coup, entre appelé(e) et appelant, il y a relation, d'où naît un désir. Ce qui compte est moins l'appel en lui-même que le fait d'être appelé, toujours, et de désirer l'être, encore et toujours. 
En faisant dialoguer Barth et Vinet, ce matin, nous avons tenté de dégager des stéréotypes à propos de la vocation pour savoir s'il était possible de les dépasser. Le premier des stéréotypes identifiés, c'était de dire que la vocation est uniquement vocation à un ministère, en oubliant que la première vocation est la vocation chrétienne : il ne s'agit pas d'abord d'exercer une fonction dans l'Eglise, mais d'être appelé à la vie et au salut. La vocation première, pour le dire comme Barth, c'est l'existence du chrétien, tout simplement. 
Deuxième stéréotype : le fait qu'on ne soit appelé qu'une fois pour toutes. Pour Barth toujours, il faut penser à la fois la vocatio unica et la vocation continua. C'est l'acte de la vocation qui fait le chrétien (autrement dit, on ne naît pas chrétien, on le devient). Comme le dit Vinet, "dans un sens on n’est appelé qu’une fois comme on n’est converti qu’une fois ; dans un autre sens, on est appelé et converti tous les jours". Dans les textes bibliques (Rm 13,11 et Ep 5,14), le réveil concerne des chrétiens, déjà appelés. Barth insiste : « Ce qui fait de quelqu’un un chrétien, c’est que celui qui l’a appelé une fois ne s’en tient pas là, mais que, lui qui est fidèle, l’appelle encore et toujours à nouveau – et à chaque fois avec la même puissance, la même rigueur et la même bonté que la première fois. » 
Troisième stéréotype : il y aurait des signes objectifs permettant de garantir qu'on est bien appelé et sur lesquels on pourrait se fonder. Comment reconnaître une vocation ? Pour Vinet, ça tient de l'ordre du désir, mais ça peut être équivoque : on peut souhaiter un état respectable. Il y a un clair-obscur de la vocation. Le protestantisme se débat désespérément avec cette confirmation (de la vocation, de l'élection, du salut). On peut, par contre, douter de sa vocation si la reconnaissance ecclésiale n'est pas là. Mais là encore, ça reste équivoque : la question que tendraient à poser les commissions des ministères "es-tu celui qui devait venir ?" pourrait s'entendre comme désignant un nouveau Christ ! Là encore, le discernement est complexe.
Quatrième stéréotype : la vocation ne serait plus attrayante aujourd'hui. Or, Barth le rappelle, tout chrétien est un "témoin harcelé", qui doit fuir non le monde, mais la mondanité. Hier, la vocation n'était pas plus simple qu'aujourd'hui...
Cinquième stéréotype : la vocation serait une fin en soi. La vocation, qu'elle soit universelle ou singulière, oriente vers un service, service de Dieu et du prochain. Vinet va jusqu'à dire que c'est, pour le ministre, une vie de dévouement total qui inclut même sa famille. La vocation est un point de départ, jamais un aboutissement.
Pour faire face à chacun de ces stéréotypes, il faudrait toujours se souvenir que toute vocation implique le désir (désir du sujet, de l'Eglise, de la communauté), sans jamais perdre de vue le "pas encore" de toute théologie chrétienne, dans toute la fragilité humaine.
PRG

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