samedi 1 septembre 2012

Jours 8-9 : OAB ?


La moitié du séjour est cette fois-ci belle est bien arrivée. Voilà plus d'une semaine que je suis arrivé à Kolympari en Crète, et j'éprouve une étrange sensation, quelque peu ambivalente, sensation qui consiste en une impression de connaître les lieux sur le bout des doigts, tout en ayant le ressenti d'être quelque peu étranger. Non pas que je sois exclu, bien au contraire. Les sujets abordés ne me sont pas inconnus non plus.
Pour dire vrai, il me semble que ce sont les discussions qui ont cours au Comité Central qui me donnent ce ressenti. Quand nous en rediscutons entre stewards, j'ai l'impression de ne pas être toujours sur la même longueur d'ondes que certains d'entre eux (peut être même la plupart d'entre eux). Alors bien sûr, la pensée unique n'est pas une panacée, bien au contraire, mais à bien y réfléchir (je réfléchis tout en écrivant), j'éprouve une sensation de déjà vu.
Certains sont surpris que la gouvernance d'une institution telle que le COE se fasse au prix de consensus longs et délicats à obtenir, et que les différentes confessions réunies ne soient toujours pas arrivées à s'entendre sur des points aussi théoriquement simples que pouvoir donner une définition commune de ce qu'est l'unité, ou encore pouvoir s'entendre sur le statut à accorder à la mission.
Mais dans notre Eglise, notre ecclésiologie exigeante nous habitue à ces processus décisionnaires faits de débats, de consensus (de votations également). Alors, non je ne suis pas surpris, mais je sens que je ne me situe pas de la même manière que la plupart des stewards.
En creusant un peu la question, je crois que le steward dont je me sens le plus proche d'un point de vue théologique et ecclésiologique est un étudiant en théologie, de confession orthodoxe. Il a appris que le représentant de son Eglise s'était défaussé, et qu'il avait envoyé une personne qui ne connaissait que peu des problématiques au niveau de l'oecuménisme, et qui, qui plus est, n'a pas assisté aux réunions par régions. Or lors de ces réunions, les régions décident de demander formellement certaines choses en leur faveur : avoir davantage de membre, proposer des personnes pour les fonctions de gouvernance du COE, décider de la répartition des membres par région confession par confession... Cet étudiant était donc très frustré de voir que son Eglise avait confié cette tâche à une personne qui n'était pas du tout investie dans l'oecuménisme et qui ne faisait dès lors qu'acte de présence (et encore...). Mais il s'est heurté à l'ecclésiologie de son Eglise qui, bien que n'étant pas aussi clairement hiérarchisée que celle de l'Eglise catholique, l'est tout de même un peu. Il n'était dès lors pas possible pour lui de parler de ceci aux autres églises orthodoxes présentes...Et en en rediscutant avec lui, j'ai senti qu'il avait à cœur de pouvoir s'investir dans son Eglise, mais que s'il ne pouvait pas le faire, si on l'en empêchait d'une manière ou d'une autre, il s'en irait dans une autre Eglise pour servir ce qu'il croit être juste. C'est peut-être aussi ça l'oecuménisme : être prend à prendre conscience des faiblesses de son église, en regardant le fonctionnement des autres églises, et être capable d'admettre que tout n'est pas parfait.
Aucune ecclésiologie n'est parfaite, puisque toutes sont d'essence humaine, même si elles prennent appui sur des données scripturaires. L'église comme communauté ne doit donc pas être une fin en soi, mais bien un moyen offert aux croyants de pouvoir échanger et vivre ce que le Seigneur nous offre de vivre en sa présence.

Quant à la journée de samedi (jour 9), elle fut relativement tranquille du point de vue du travail à fournir en tant que steward. Nous avions l'opportunité de prendre un peu de repos, et de participer à une réunion sur la question du dialogue inter-religieux du point de vue du COE. La personne qui nous accueillait nous a brossé à grands traits le cheminement qui a conduit le COE à mettre en place une structure dédiée à cette question, structure qui produit notamment deux fois par an une revue sur la question (la revue s'intitule Current Dialogue).
Cette personne nous a expliqué que de son point de vue, et du point de vue du COE, il existe quatre possibilités d'instaurer un dialogue entre différentes religions :
  • dialogue de vie : qui a cours essentiellement dans les pays où toutes les religions se côtoient au cours de la vie quotidienne, et qui tire justement son essence dans la vie quotidienne ;
  • dialogue du travail : lorsque des personnes de religions différentes travaillent ensemble, les conditions d'un dialogue inter-religieux peuvent être réunies ;
  • Le dialogue théologique : celui qu'elle appelle des experts, et qui est pour elle un dialogue d'intellectuels ;
  • le dialogue des expériences spirituelles : dialogue entre des personnes croyantes, qui peut avoir lieu et qui doit s'expérimenter de deux façons : dialogue en face à face, et dialogue côte à côte. L'idée est de ne pas se contenter d'un dialogue en surface, qui se limiterait à une coopération en matière sociale (ce qui entre nous est déjà un bon début!) , mais de parvenir à un dialogue théologique plus profond, pour aborder les questions qui divisent (je ne sais pas comment elle comptait parvenir à surmonter les divergences inévitables entre les religions, mais je n'ai pas eu l'occasion de lui poser la question).

L'intérêt du dialogue inter-religieux selon elle, ne se limite pas à un intérêt de connaissance à propos des autres religions, mais présente aussi un intérêt réel et certain quant à la formulation de notre foi.
En réaction à ce que nous entendons, nous pouvons dire ce que nous croyons. C'est en somme un peu dans le même esprit que le dialogue oecuménique fonctionne, même si a priori, davantage de points communs nous unissent.

La deuxième réunion à laquelle j'ai assisté ce samedi fut celle des confessionnal meetings : il s'agit pour chaque confession de réunir l'ensemble de ses membres présents et de discuter des problématiques à faire émerger pour les Comités centraux à venir, mais aussi en l'occurrence pour l'assemblée générale du COE qui aura lieu l'année prochaine à Busan en Corée du Sud.
J'avais l'opportunité de me rendre à plusieurs réunions : celle des réformés/presbytériens, celle des luthériens (étant donné que nous allons être très bientôt unis), et celle des Eglises unies. J'ai opté pour la première solution mon badge indiquant que je fais partie de l'Eglise Réformée de France.
Le dialogue fut très apaisé, et aucune question ecclésiologique abordée, si ce n'est celle du rôle prophétique du COE et des églises. L'idée n'est en fait pas d'échanger et de débattre sur des différences théologiques ou ecclésiologiques, mais bien d'essayer de faire avancer ensemble le projet qu'est le COE, et d'arriver à mettre en place davantage d'unité et de communion entre les confessions. L'idée a donc été lancée qu'un service de la Cène soit mis en place, et que chacun puisse y prendre part. Evidemment, en proposant cela, nous savons pertinemment que les orthodoxes et les membres de l'Eglise Vieille Catholique ne pourront pas y prendre part, mais il nous semblait important de pouvoir initier une dynamique en vue de l'AG de Busan l'année prochaine. C'est peut-être par des actions concrètes que les décisions solennelles peuvent évoluer.

En tout cas, cette journée fut très enrichissante pour ma part, et j'ai beaucoup apprécié pouvoir prendre part à ces réunions, en tant que participant, et pas seulement en tant que steward, au service.
Car en fin de compte, participer au processus décisionnaire, c'est aussi rendre une forme de service aux Eglises qui nous envoie !


Au fait, vous devez vous demander ce que signifie le titre de mon billet : il s'agit d'une abréviation très utilisée par les membres du COE : AOB signifie any other business
Alors, rien à ajouter ?

1 commentaire:

Remuccino a dit…

Merci cher Steward pour vos messages auxquels j'adhère et d'ailleurs, auxquels je me suis collé le temps de lire toute cette prose très intéressante. Certes j'adhère et m'y suis collé, toutefois, bien évidemment, je ne voudrais point revêtir un uniforme... (théologique ou autre!). Mais donc, merci pour le partage de cette expérience oecuménique!