Ca ne vous aura pas échappé : nous sommes en période de campagne électorale. Ce qui donne l'occasion d'entendre, un peu plus que de coutume, des mots qui semblent comme implantés dans le discours politique même s'ils relèvent a priori d'un autre univers. "Sanctuariser", par exemple. Il s'agirait, ces derniers jours, de "sanctuariser le budget" de la culture, ou de l'éducation, je ne sais plus, enfin en tout cas, ça signifie que pas touche, bas les pattes, ces sous-là on n'y touche pas. C'est-à-dire qu'on ne les enlève pas de là pour les mettre ailleurs.
Que peut-on dire de cette expression, dans ce contexte ? Déjà qu'on ne sanctuarise, en principe, qu'un lieu. Un sanctuaire, c'est forcément un lieu précis, qui a pour particularité d'être mis en opposition au monde ordinaire puisqu'il a pour propriété de rendre sainte cette portion de l'espace. Cette sainteté a pour conséquence que ceux qui se trouvent liés d'une façon ou d'une autre à cet espace sont eux aussi touchés par la mise à part, soit qu'ils en bénéficient (pour s'y réfugier), soit qu'ils la serve. Donc, en "sanctuarisant" un budget, en fait, en bout de ligne, ce sont les gens eux-mêmes qu'on entend protéger. Je me demande si c'est bien là ce que veulent dire nos politiques.
D'autre part, je m'interroge sur l'irruption d'une sainteté décrétée par l'homme pour protéger ce à quoi il accorde lui-même de la valeur. Sois à toi-même ta propre loi... Certes, rendre sainte la culture, l'éducation, c'est plus moral que de rendre sainte l'armée (beurk, n'est-ce pas) ou l'industrie nucléaire (pareil). Mais au fond, qui est-ce qui décide de ce qui est sacré ? au nom de quoi ? de l'intérêt commun ? ce n'est pas en tout cas au nom d'une quelconque transcendance.
Encore que. Peut-être que la transcendance, de nos jours, va se nicher dans un idéal de protection de ces dernières poches de gratuité que seraient l'éducation des enfants ou la culture ?
Pendant ce temps, l'Australie cherche à sanctuariser la mer de corail. On devrait peut-être envoyer quelques-uns de nos porteurs de bonnes idées du côté du grand riff, tiens. (On me signale dans l'oreillette qu'un grand riff n'a rien à voir avec les petits poissons mais tout avec les guitares. Ce qui nous permet de retomber sur nos pattes : c'est de la culture, au fond).
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