mercredi 25 avril 2012

Réalités avant-dernières

Vivre dans ce monde sans être du monde, cela implique-t-il de se désintéresser de son sort ? Non bien sûr, et même, paradoxalement, c'est s'y intéresser d'encore plus près. 
D'une part, Dieu aime le monde. Il nous guide et nous protège dans ce monde-là, pas pour la destruction de ce monde mais pour y vivre ensemble. Pour y esquisser une fraternité qui tient son origine d'un autre monde, même si dans sa réalité cette fraternité a conservé toutes les rudesses de l'humanité qui ne supporte pas l'altérité chez l'autre. On ne cesse jamais de lutter pour y croire et pour la mettre en oeuvre, tout en sachant que c'est utopique. Ce serait de cesser d'espérer qui serait terrible - et donc aussi de cesser de se battre.
D'autre part, le monde est déjà jugé. Toutes les puissances d'asservissement sont déjà tombées sous le coup du jugement. Aucune idole qui puisse y échapper : toutes nos idoles (le pouvoir, l'argent, l'auto-suffisance, l'orgueil, toutes les puissances d'un monde qui voudraient nous faire croire qu'elles sont seules au monde) sont déjà démasquées comme idoles. Encore faut-il accepter de le voir... Et ça ne va pas de soi. C'est pour ça qu'à chaque culte, nous répétons la confession des péchés : on n'y échappe pas, au péché, de toute façon, et il consiste à se soumettre à de faux dieux. En connaissance de cause ou pas. Par faiblesse ou par calcul. Par aveuglement ou par choix. De toute façon, seuls on ne peut guère qu'y céder, parce que nous ne sommes pas surhumains, parce que nous ne sommes pas des dieux. Dire les choses comme ça, ça implique que tout en sachant que ces idoles sont dans le monde, nous tenons de la grâce de Dieu la possibilité d'y échapper. C'est ça, le salut. C'est de savoir que nous sommes jugés, et graciés. C'est de savoir que nous n'échappons pas au jugement et que c'est une chance, une formidable force de vie. C'est à un autre que revient le jugement ultime sur nos vies.
Pourquoi parler de tout ça maintenant ? Parce que je me dis que ça n'est peut-être pas sans rapport avec la vie politique de ce pays en ce moment. S'il y a une posture chrétienne a tenir sur la politique, ce serait peut-être celle-là : tenir que le monde ne se réduit pas à ses apparences, que le pouvoir ne se réduit pas à qui a ou n'a pas le pouvoir, mais que la seigneurie sur le monde se situe ailleurs. Et que penser en chrétiens la politique, c'est chercher à toujours résister à ce qui cherche à nous faire croire que tout est joué d'avance. Rien n'est joué d'avance. Poser des actes, voter, refuser, choisir, c'est avancer en faisant le pari que ces actes sont sous le regard de Dieu, toujours. Et qu'ils peuvent contribuer à rendre ce monde plus conscient, plus juste, plus aimant. 
Il y a des choses à refuser. Il y a des choses à exiger. Il y a des choses à espérer. Tout ça va ensemble, au fond... et si ça n'est pas de la politique, je ne sais pas ce que c'est !
PR

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