jeudi 26 avril 2012

Soeur Christiane

Un lieu où se placer devant Dieu. C'est ainsi que notre invitée hier soir désignait ce lieu de vie où elle a choisi de placer sa vie devant Dieu, en compagnie d'autres soeurs. Lorsqu'elle en parle, ses yeux pétillent de joie... Quand elle évoque Soeur Antoinette Butte, la fondatrice de la communauté, et ses écrits qui continuent à guider sans les enfermer les réflexions des soeurs, ou quand elle raconte la vie quotidienne de la communauté, rythmée par les quatre offices quotidiens et la rencontre avec les gens accueillis, Soeur Christiane est une conteuse : ses mots résonnent non seulement comme une histoire, mais aussi comme une expérience humaine qui se dit et se partage dans le bonheur de la rencontre.
La communauté a pour vocation la prière et l'accueil. Aimer Dieu pour lui-même, aimer Dieu à travers les autres : ce sont deux volets de la même vocation. Il y a actuellement onze soeurs dans la communauté. Au Seigneur, on ne se prête pas, on se donne... c'est le fondement des voeux qui engagent ces femmes pour une vie de service au sein de la communauté, pour l'accueil (des retraites sont proposées dans un cadre magnifique, pour des particuliers, des familles, des groupes, à l'occasion aussi de rencontres et de conférences), pour la participation à la vie de l'Eglise, pour des rencontres avec d'autres communautés et dans le cadre de rencontres internationales. Vivre par la foi, c'est aussi croire à l'unité de l'Eglise, en portant le message que l'unité de l'Eglise n'est pas à faire, mais à reconnaître et à vivre. C'est une tentation de vouloir conquérir le monde pour l'offrir à Dieu, mais on peut chercher plutôt à vivre l'Eglise telle qu'elle est. C'est le fondement de l'engagement oecuménique de la communauté et de son ouverture sur le monde. Il faut être avant de faire, et ce qu'on fait est un fruit de l'être... Dans un beau texte que nous a lu Soeur Christiane, chacun est considéré comme un fil de couleur dans une tapisserie commune, et chaque couleur a sa place, telle qu'elle est. Il a été question d'interdépendance : le partage de la vie communautaire, avec les gens accueillis, avec les autres soeurs, est témoignage de cette responsabilité prise dans le monde. La vie communautaire s'organise donc, à la grâce de Dieu, toujours entre l'impératif de l'accueil et le déroulement liturgique des journées et des années. C'est une forme de diaconie, une diaconie des coeurs, des esprits et des âmes, car l'accueil est une conséquence de la vie de prière : prier, ça engage... on ne peut pas prier pour le pain de chacun et refuser à celui qui arrive le pain de ce jour... 
Que peuvent apporter ces témoignages de vie communautaire dans la vie de l'Eglise ? Une complémentarité, répond Soeur Christiane, une communion. Dans nos vies d'Eglise, cette communion ne se ressent pas forcément de façon très claire, or dans une communauté religieuse, elle est la base même de la vie quotidienne. C'est une présence de gratuité ; la mise en question, par ce style de vie dépouillée, sous le voeu communautaire et personnel de pauvreté, d'une recherche permanente de rentabilité. C'est un "poil à gratter", pour le monde et pour l'Eglise ! La tentation de l'institution, c'est de faire, mais la vie d'Eglise est d'abord organique avant d'être organisée : une Eglise, ça vit ! Cette vie de prière est donc le témoignage de ce qu'il est possible, et même vital, de se tenir devant Dieu dans la disponibilité et dans l'écoute. C'est une autre incarnation, un autre mode d'être l'Eglise que l'institution qui organise et encadre la vie. 
Lors de ses études de théologie dans cette maison, Soeur Christiane était déjà engagée dans sa communauté. Cet engagement n'était pas toujours compris : on a pu la traiter de "crypto-catholique"... et c'est vrai qu'en régime protestant, un engagement à vie peut paraître suspect. Mais c'est un engagement qui découle d'une vocation, dans le sens du baptême reçu, et ce mardi soir cette question résonnait pour plusieurs d'entre nous. On s'engage, de toute façon. Et le récit de sa conversion nous a touchés, interpelés, car une vocation vous tombe dessus sans qu'on s'y attende, toujours. Et toujours il s'agit de décrypter la volonté de Dieu. "Tu es là pour être le levain dans la pâte", lui a répondu Soeur Antoinette lorsque Christiane est venue lui parler de ce qui lui arrivait. Alors elle est venue, et elle est restée... Enracinée dans cette vie de prière qui engage toute une vie, qui transforme la vision de Dieu et du monde et fait entendre autrement la Parole. 
Il ne fait pas de doute que nous ayons beaucoup à apprendre de ces témoignages, tranquilles, pas spectaculaires, qui font que nous aussi nous pouvons nous considérer comme le levain de la pâte... Un grand merci à Soeur Christiane et toutes nos salutations à la communauté de Pomeyrol. Nous espérons que ces paroles puissent continuer à résonner longtemps, ici et ailleurs, dans le monde et dans l'Eglise. "A Dieu tout est possible, c'est notre espérance..."
PRG

Vous pouvez visiter le site de la communauté ici (clic). Rappelons aussi que ce fut le lieu où furent écrites en 1941 les fameuses "thèses de Pomeyrol", pendant français de la déclaration de Barmen, et qu'il n'est sans doute pas inutile de relire ces jours-ci... 

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