vendredi 26 octobre 2012

La part des anges


Je ne suis pas oenologue, mais il me reste le souvenir poétique de ce que la part des anges, c'est cette partie du cognac qui disparaît de la barrique pendant le processus de vieillissement naturel, pendant que les saveurs se concentrent... et le cognac, dans la région de Barbezieux où se tenait le synode régional de la région Ouest le week-end dernier, on connaît bien. Tous les synodaux sont d'ailleurs repartis avec une adorable petite bouteille pleine du précieux nectar. D'où la part des anges, donc, avait disparu depuis longtemps, mais on en conserve le souvenir.
La part des anges, ça peut se dire aussi quand, au milieu de la discussion sur le sujet synodal, on se demande s'il serait judicieux de prélever un pasteur dans le Cognaçais pour le mettre en Basse-Marche, histoire de rationaliser l'utilisation des énergies, ou de concentrer de belle façon le nectar pastoral, comme vous voulez. De la même façon, les remerciements aux membres des CP qui ne seront pas présents l'an prochain, pour le premier synode de la nouvelle Eglise unie (EPUF si muove, comme le murmurait un synodal facétieux), sont une façon de dire merci pour l'énergie dépensée dans le processus sans fin de prise de décision dans notre Eglise, et c'est un merci qui fait la part des anges.
C'est vrai que le débat sur le découpage géographique des régions de la nouvelle Eglise n'a pas soulevé les foules, mais comme le faisait remarquer la présidente de la région, l'Eglise avance, à tâtons peut-être mais opiniâtrement, comme l'escargot emblème des Charentes. Vaille que vaille, l'Eglise se construit, s'habite comme une coquille sur le dos. Malgré sa cécité, sa lenteur et sa fragilité, la cagouille mène son chemin. 
On a parlé hospitalité, aussi. La encore la part des anges... accueillez, car vous ne savez pas si, des fois, ça ne serait pas un ange que vous accueillez ! (J'en entends d'ici ricaner sur la métaphore : je vous l'accorde, imaginer d'accueillir dans une coquille d'escargot ça n'est pas très simple...). Mais au fond, si on y réfléchit une seconde, l'hospitalité comme la grâce se définissent par l'inconditionnalité et par la gratuité. Du coup, en allant au bout de l'idée, témoigner de la grâce c'est vivre l'hospitalité, vraiment, visiblement, en étant accueillants pour l'autre, quel qu'il soit, qu'il soit dedans ou dehors, dans la coquille ou pas, dans l'Eglise ou ailleurs. Et donc, témoigner ça se joue comme ça, en témoignant de l'accueil reçu, en offrant l'accueil. Le voeu qui a été proposé et voté par le synode sur l'évangélisation se voulait témoignage de ce qu'il est possible de vivre cette démarche en Eglise. Témoigner simplement, en sortant de nos murs, de l'accueil reçu. Ca passe par le don : don de présence, d'écoute, de café, de paroles aussi. Ca fait peur, ça ne fait pas partie de notre culture réformée, ça revient "comme un serpent de mer" disait l'un, à tel point qu'on ne croyait plus que c'était possible disait l'autre. Mais c'est possible, et joyeux.
Comme était joyeux le moment du dévoilement du logo de la nouvelle Eglise unie par le président du Conseil national de l'ERF, lui-même ancien président de la région Ouest, qui nous a fait une démonstration de la réalité de la région à base de salade de fruits... La joie du partage en synode passe aussi par ça : la liberté de ne pas se prendre au sérieux au coeur même du sérieux des débats et des prises de décision. Une Eglise unie, libre et joyeuse... l'unité et la diversité... la confiance et le mouvement... une Eglise visible qui ne cherche qu'à montrer un chemin où nous sommes tous précédés, et non à se montrer elle-même. C'est un horizon qui donne du sens à notre présent. Et comme nous l'avons entendu, "il y a ceux qui regardent les choses telles qu'elles sont et se disent pourquoi ? et ceux qui regardent les choses telles qu'elles pourraient être et se disent pourquoi pas ?" alors tout simplement, montrer et suivre ce chemin c'est un témoignage d'espérance. Ca se vit, en avançant sans cesse, comme l'escargot. Tiens d'ailleurs, vous connaissez la différence entre un pasteur et un trolleybus ? Quand le trolleybus perd le fil, lui, il s'arrête.
Des fois qu'y montent des anges, peut-être...
PRG

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