vendredi 12 octobre 2012

Parole et écriture

Jean-Daniel Causse nous rappelait hier soir au cours public (sous l'intitulé "Judaïsme et christianisme : un thème constitutif de la tradition psychanalytique ?") que le christianisme n'est pas une religion de l'écriture ni du livre. C'est une religion de la parole. Ce qui est constitutif pour les chrétiens, c'est que le Christ soit venu comme Parole incarnée parmi les humains. Ce qui se joue au cours du culte chrétien, c'est le rappel de cette vérité : la Parole de Dieu est ce qui vient nous rejoindre, toujours à nouveaux frais, toujours en déplacement par rapport à ce qu'on en entend, ce qu'on en attend. C'est l'Evangile, au fond. Ca s'échappe, et pourtant c'est ce qui nous fait vivre.
La psychanalyse s'est construite autour de l'idée que tout est écriture, plutôt que parole. Il y a déchiffrement, réagencement des signifiants, parce qu'il est possible de voir quelque chose de ce qui se joue, sur une autre scène, dans l'ordre d'un espace saturé de mots, mais des mots tracés, comme une écriture qui se trouve conservée dans la mémoire de l'inconscient. Le rêve est un rébus, un hiéroglyphe : c'est une écriture énigmatique à interpréter. La visée infinie des interprétations s'appuie sur ce constat, cette nécessité qu'a l'être humain de décrypter en permanence ce qui le fait être en vérité. Or, au coeur de cette écriture à toujours interpréter, il y a un manque : le mot juste qui pourrait dire qui nous sommes en vérité. Pas un "nous" général, mais chacun, sujet différencié de tous les autres sujets. JDC nous expliquait que cette façon de considérer l'inconscient comme une écriture pouvait s'adosser à la façon dont le peuple d'Israël vivait son rapport à Dieu, comme une alliance qui passait par le don d'une loi écrite. La loi de Moïse n'est pas une retranscription d'une parole première, elle est immédiatement gravée, écrite.
Qu'y a-t-il en premier ? la parole/le verbe ? ou l'écrit ? Finalement, la frontière théologique entre judaïsme et christianisme est, bien sûr, une frontière christologique. Et sans doute que la psychanalyse permet de faire jouer ce dialogue, de comprendre autrement cet enjeu en mettant en relief des enjeux insoupçonnés, du côté de la vérité du sujet.
PRG

Aucun commentaire: