samedi 13 octobre 2012

Une parole qui met à l'écoute


Nous apprenons à parler ; çà s’appelle homilétique, et en soi le vocable est une leçon d’anti-communication. Mais l’avantage de commencer par un gros mot, c’est que tout après paraît plus simple.
Pour la vingtaine que nous étions ce mercredi matin-là les professeurs Michel Bertrand, Dany Nocquet et Elian Cuvillier nous disaient leur tendresse pour les textes ; mais ils ne nous faisaient pas mystère des pièges pour le futur prédicateur, un défi qu’ils nous invitaient à relever.
Naturellement les auteurs des textes bibliques étaient déjà des théologiens ; même dans les récits de l’Ancien Testament apparemment les plus indéchiffrables pour notre culture – la peau cloquée de Naaman, les fesses de la belle Rachel –, il y a souvent l’illustration d’un message enfoui qui nous concerne. Comme on prêche le Nouveau Testament, on peut prêcher l’Ancien.
Quel que soit le passage biblique retenu, il faudra dépasser notre travail préalable d’explication mot à mot : nécessaire pour éviter les contresens, il ne suffit pas à en faire entendre l’inspiration. Mieux vaut se mettre à l’écoute du message du texte, et y accompagner l’assemblée.
A l’écoute du texte, ce n’est donc pas développer sa préoccupation personnelle, ou se laisser envahir par son idée du moment. Mieux vaut se rendre disponible à l’interpellation dérangeante qui résonne à la lecture du texte, que se raconter soi-même, ou gloser sur l’actualité immédiate, ou encore se mettre à la remorque de l’idéologie à la mode. Le risque de ces captures, c’est de se priver, et de priver l’auditoire, de la leçon du texte lui-même, qui nous interroge et souvent nous déplace.
C’est peut-être une évidence, mais la chaire n’est pas non plus le lieu de régler des comptes ; le prédicateur doit s’appliquer à lui-même l’interpellation qu’il entend dans le texte ; les vraies vérités sont bonnes pour tout le monde, et pour le prédicateur en premier lieu.
C’est parce qu’on se sera mis devant l’Ecriture, loyalement, avec le goût de la lire et de la faire lire, sans la capturer d’aucune manière, qu’elle pourra être entendue par les membres de l’assemblée : cette histoire me concerne, aujourd’hui, dans mon existence, elle me transmet quelque chose d’important. Cette vérité devant la parole est un chemin de crête, en réalité, et chacun de nous est à son tour, et si peu que ce soit, concerné par les travers qu’on vient de décrire, si bien qu’il est parfois pénible de s’écouter parler, alors qu’on aurait voulu entendre l’annonce de l’Evangile, toujours au delà de ce que nous disons.
Heureusement Luther ne mâche pas ses mots: « le fait que Dieu nous donne sa parole par de méchants fripons et par des impies, n’est pas une petite grâce ». Au fond, cela nous rassure pour relever les défis de la prédication.

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