Ensuite on ferme la salle de l'Amicale (on ferme aussi les volets sinon Michel le nouveau factotum est tout fâché le lendemain) et puis on traverse la cour avec les galets qui roulent sous les pieds (comme à plage en Bretagne, oui) et puis on va s'installer dans la Salle des actes (la plus grande et la plus belle des salles de notre IPT de Montpellier, vous verriez ça, c'est magnifique, d'ailleurs un jour on a même reçu le peintre Soulages dans cette salle, alors, vous voyez comme c'est chic, et puis même cette année, en tout début d'année, c'est Axel Kahn qui est venu nous causer, alors bon, quand même, elle est bien cette sallle). Là où ça se complique (parce que là, encore, c'était simple), c'est qu'on est venus là pour écouter une conférence. Et même une conférence théologique.
C'est que cette année, deux de nos professeurs se sont mis en tête de nous exposer à nouveaux frais les grands dogmes du christianisme. Selon d'où vous lisez ça, c'est soit très affligeant ("pfff franchement, le christianisme, déjà, bon... c'est un peu dépassé, non ? et puis les dogmes, alors franchement... on n'est plus au Moyen Age, hein...") soit totalement bousculant ("on peut penser les dogmes pour aujourd'hui ? noooooon ?"), et entre les deux, des nuances qui correspondent à votre propre sensibilité pour le cas où vous êtes, comme nous, assis dans cette salle en train d'écouter de quoi ils causent, nos deux profs, là. Exemple : le péché. Si, c'est moderne, le péché. C'est même tellement moderne que c'est de toujours. Le propre du péché, c'est que ça réduit le possible de l'être, voyez-vous. C'est ce qui depuis toujours travaille l'humanité de l'extérieur, dans un combat qui ne peut être qu'intérieur. Ce qui est en jeu, c'est que malgré le péché, il puisse s'ouvrir du possible et de la liberté : au fond, la liberté est asservie et elle doit être rendue libre.
Du coup, si on a tout bien suivi, ça veut dire que croire qu'on est libre par soi-même, c'est le pire des enfermements, parce que c'est celui qu'on ne voit même pas. On nage en plein paradoxes et on le sait. Et on le pense. On le systématise, même, parfois.
C'est sûr, dit comme ça, ça a l'air compliqué. Mais là où c'est très fort, c'est que ces mots-là, ils sont libérateurs. Vous avez l'impression que c'est de la spéculation intellectuelle trop pointue pour être utile à qui que ce soit ? Ben non. Peut-être bien qu'on passera une vie à le comprendre, mais que ce soit dit, c'est quand même essentiel.
Après, on ferme la salle et on retourne finir les cahouètes. Parce qu'on a compris un truc, ou juste parce qu'on ne peut quand même pas laisser des cahouètes dans un fond de bol quand on est des gens polis ? Parce que dans un monde où le mal est silencieux, il n'y a rien de mieux que la parole.
C'est ça que ça veut dire. Fondamentalement.
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