Oui, le définitif c'est pour demain. C'est ça que dit la doctrine du jugement dernier dans le christianisme, au fond. Et "le définitif c'est pour demain", ce n'est pas un horaire de chemin de fer, c'est une bonne nouvelle extraordinaire, parce que ça libère notre présent de tout ce qui prétend le juger définitivement. Ce que pose le Nouveau Testament, c'est que le jugement dernier est une altérité. Le jugement remis à Dieu nous extrait de toute obligation de nous justifier sans cesse devant les autres. Et même la mort n'a pas le dernier mot. La mort qui vient mettre un point final sur notre existence laisse un jugement derrière nous, sur ce qu'a été notre vie. Or le jugement dernier signifie que ce savoir sur cette vie n'est pas le savoir ultime, que le jugement sur cette vie n'est pas le jugement ultime. C'est Dieu qui juge.
La venue du Christ, ce n'est pas son retour : il n'est pas question de revenir à l'incarnation du Christ. Croire qu'on va revenir à hier, à un Christ qui se baladerait sur terre et reprendrait son enseignement là où il l'avait laissé, c'est se fourvoyer sur la signification de la parousie. La venue du Christ, c'est le pur événement qui vient faire rupture. Il ne s'agit même pas une rupture dans le temps. On s'imagine que la parousie va mettre fin à notre temps actuel pour entamer un temps second, mais on ne le pense que parce qu'on ne peut pas penser autrement. La venue du Christ, c'est forcément une rupture qui tranche, qui crée un écart radical avec ce qui est.
Le jugement dernier, c’est l’idée d’un écart qui donne de la valeur à autre chose qu’à ce qu’on estimait qualifiant pour soi-même et pour le monde. La parousie, c'est un écart absolu avec ce qu'on connaît. C'est l'espace laissé libre entre l'attente de l'époux des paraboles et sa présence qui nous comblerait. Nous sommes dans cet espace où nous attendons. Attente folle ! l'attente de ceux qui savent qu'il y a quelque chose à attendre. Croire tout posséder ou subir avec fatalité et ne plus rien attendre, c’est être mort ; celui qui croit et espère, lui, est vivant. Il espère en quelque chose qu'il ne lui est pas donné de connaître : autre chose que ce qui relève de la "logique du monde" dont parle le Nouveau Testament. Celui qui attend ainsi a l'espace nécessaire pour agir. C'est du provisoire qui libère.
Alors, ce jugement ? Il révèle ce qui doit être perdu. Il révèle que ce que nous faisons va être séparé de ce que nous sommes. Pensons à la merveilleuse métaphore de Paul en 1 Co 3,12-15 : l'humain sera passé au feu du jugement ; ses oeuvres seront consumées, mais lui sera sauvé. Paul tient ainsi en tension le salut par la grâce avec la responsabilité humaine. En ce sens, il faut comprendre que le jugement est un révélateur, il n'est pas à craindre.
On l'a beaucoup craint pourtant, on l'a beaucoup moqué, on s'en est beaucoup méfié, on l'a aussi beaucoup représenté, le jugement dernier, comme nous le rappelaient nos professeurs ce soir au cours public (l'illustration ci-dessus est une photo de la chapelle Sixtine). Le jugement dernier est toujours difficile à comprendre, chacun pour soi, et pour l'Eglise. C'est un de ces défis théologiques qu'il faut sans cesse reprendre à nouveaux frais. Mais la bonne nouvelle de l'Evangile est bien là aussi, adossée à la notion du jugement. Le jugement nous rappelle que c'est Dieu qui juge et ainsi nous remet à notre place de créature ; et dans le même mouvement, il nous rappelle l'aveuglement dans lequel nous vivons par rapport à nous-même. Cette mise en crise de l'humain, c'est là que se joue la grâce : comme appel à la repentance, elle nous rappelle que nous sommes responsables, que ce que nous faisons n'est pas sans conséquence. Et en même temps, elle relativise notre angoisse dans ce monde : en rappelant que nous sommes privés du pouvoir ultime, nous sommes libérés de faire dans l'urgence de la peur. Il nous est donné d'agir librement et dans l'apaisement.
Rappelons-nous que l'appel de Jean de Patmos à la fin de l'Apocalypse, "Viens, Seigneur", est suivi de cette parole de bénédiction : "la grâce du Seigneur soit avec vous tous". C'est dans ce présent-là que nous sommes appelés à vivre, maintenant. Dans l'attente de quelque chose dont les mots ne recouvrent pas l'espérance.
10 commentaires:
C'est de la procrastination de remettre le définitif à demain non ? ^^
Pas si c'est quelqu'un d'autre qui rédige cette dissertation-là !
Heu la musique automatique sur le blog ça va pas du tout du tout.
Non pas le choix des titres mais le concept d'avoir de la musique automatiquement
Ayé ! Apu !
Woaw quelle influence j'ai :)
Je trouve que le fond avec les livres est un mauvais choix. Ce serait cool de changer tout ça...
Est-ce que ça va encore marcher?
Nan !
Qui est Anne Nonyme ?
Son nom signifie le repos en hébreu
Schleiermacher, tu es démasqué ! mais alors quel est ton vrai nom, Chat-bat ou Menou-chat ? trop fort ce matou...
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