samedi 31 mars 2012

La Bible au chevet

(Photo Eloïse D.)


Cette semaine a été, pour certains d’entre nous, riche en émotions et en partage. Les étudiants de Master ont vécu un séminaire consacré au Nouveau Testament, sur le thème de la temporalité. Temps d’étude, temps de réflexion, temps de discussion et de liens à créer ou à renouveler, dans notre parc printanier. C’était l’occasion aussi de réfléchir à ce qui nous a mené ici, les pourquoi et les comment. Ce qui nous réunissait était un livre, la Bible, à laquelle nous revenons toujours, et que nous avons beaucoup lu ensemble. Le professeur Claire Clivaz nous a fait un exposé sur la Bible à l’heure du numérique, dans une époque où le support informatique nous fournit, en tant qu’étudiants de ces textes, la possibilité du foisonnement des sources : il se constitue peu à peu un fonds de connaissances extraordinaires, avec la possibilité de réunir des données multiples à propos des textes bibliques, à partir des manuscrits qui sont peu à peu numérisés et dont l’accès complète notre bonne vieille Nestlé-Aland avec son apparat critique. C’est une économie de temps et d’énergie et l’occasion de faire se croiser des données qui éclairent notre connaissance. Et pourtant... pourtant, ce qui nous touche vraiment, faisait-elle remarquer finalement, c’est cette veine apparente dans le parchemin d’un manuscrit, le détail qui nous rappelle la corporéité même de ce qui n’est pas qu’un texte, mais un texte posé sur un support physique, tangible, même à travers un écran.
Et pourtant... pourtant, un écran, s’il est le support idéal pour nos connaissances, ne remplace pas le rapport immédiat au livre. Ce qui nous touche, c’est aussi ce que l’on touche, au quotidien, ce livre, ces livres que l’on manipule, que l’on plie, que l’on savoure, avec la douceur des pages et l’habitude née d’un dos cassé qui s’ouvre toujours aux mêmes passages. Quel est notre rapport à ces livres qui nous entourent dans notre vie quotidienne, dans la lecture de ce qui n’est plus, tout à coup, objet d’étude savante, mais pain quotidien ? C’est la question que déroulait comme un fil rouge Corina Combet-Galland dans une magnifique conférence jeudi soir. Notre rapport à ce livre de chevet qu’est la Bible pour les croyants, voilà ce qu’elle évoquait à travers les tableaux d’une exposition intime, où les textes bibliques prennent profondeur, épaisseur, poésie – une dimension charnelle qui habite nos vies.
Nous avons voulu poursuivre cette réflexion, ce cheminement face aux livres, en posant à quelques étudiants la question de leur pratique personnelle de la lecture de la Bible : avec quel livre, dans quelles circonstances lisons-nous ? Pas grand-chose de plus intime que cette question qui touche à notre pratique religieuse, spirituelle, la plus personnelle, dans un rapport direct aux textes et finalement à Dieu... Ca ne se dit pas sans une certaine culpabilité peut-être, de lire comme ça et pas autrement, et pourtant il affleure dans ces réponses un certain bonheur, nostalgique ou bien présent, de la lecture. Voici quelques bribes de conversation prises sur le vif...

Quand vous lisez la Bible pour vous, de façon personnelle, c’est avec quel livre ? A quoi ressemble-t-il ?

C’est une bible d’évangélisation, celles à un euro cinquante. En fait, la bible idéale, il faudrait qu’elle soit souple, de voyage, qu’elle soit légère. Dans l’idéal, il faudrait une fermeture éclair.

Moi j’ai une bible à onglets, avec une couverture en cuir et une fermeture éclair.

Ah oui, les onglets, très pratique pour retrouver Habacuc ! Enfin ce n’est pas que j’aie besoin d’aller trouver Habacuc tous les matins non plus...

Moi j’ai une vieille TOB. Tiens, pendant longtemps je n’ai pas osé annoter ma bible. J’en vois qui ont la leur toute stabilobossée, moi je ne peux pas !

Bonne question ça, annoter ou pas ! Moi, jamais !

Moi oui ! Avant non mais maintenant oui. En fait j’en ai deux. Plus la bible d’étude, une NBS.

Vous avez besoin des notes vous ? Moi ça me dérange dans ma lecture. Et puis c’est un pavé...

Avant non, mais maintenant plutôt oui, ça arrive que ça accompagne ma lecture.

Moi j’ai une vieille bible qu’on m’a offerte à ma communion solennelle. Je l’ai fait re-relier. Et puis j’ai aussi une TOB avec un plastique tout froissé pour la recouvrir, un bête livre de poche. C’est celle-là que je lis en fait.

Moi j’ai une NBS, celle à couverture souple, les petites. 

Moi j’aime bien la TOB !

Je trouve qu’il y a une certaine rudesse de traduction, des formules un peu ampoulées. Ca me gêne. 

Il faudrait une bible légère et en même temps complète.

Oui, une bible catholique c’est bien aussi, avec tous les livres.

Et la vieille Second ? Vous avez vérifié la traduction de la canne de Moïse, là ? (rires).

Et en 1 Co 13, vous préférez quoi comme traduction ? Moi « charité », ça ne me cause pas... 

Ah oui ? Mais comment tu traduis alors ?

« Amour »...

Ouais... je sais pas, je n’entends pas le même sens. En même temps ça ne me choque pas, ça me parle.

En fait, la Bible, il faudrait pouvoir dormir avec. Enfin je dors avec, en un sens. Elle est toujours dans ma table de nuit.

Pour la lecture au chevet, il faut que ça ne soit pas trop long : un chapitre, un demi-chapitre, pas plus.

Une fois, dans un camp, j’ai lu l’Apocalypse en entier, sans m’ennuyer. C’était extraordinaire.


Vous avez un temps privilégié pour la lecture ?

Fut un temps, c’était le matin avec le texte du jour.

Moi, j’aime pas le texte du jour, ça réduit la liberté. 

En même temps, il faut savoir se laisser questionner par le texte même si tu ne l’as pas choisi.

Moi j’aimais bien le matin, ça me conditionnait à me lever plus tôt. Et le soir, aussi.

Les deux ? 

Oui.

Moi c’est le soir. Voire la nuit. Elle reste dans ma table de nuit.

Le soir, plutôt. Mais le matin je trouve ça bien. La journée se fait autour de ça. Ceci dit, on a plus de temps le soir, le temps est ralenti.

Depuis que je suis en fac de théo, je ne lis plus que de la théologie... ça m’embête... la lecture c’était une amitié particulière, n’importe quand, toujours un bouquin dans mon sac... c’était un autre contact avec les mots. Et la lecture avec la bible, ça a quand même un lien fort avec la foi. Un livre, c’est comme du pain ou de l’eau, ça me nourrit. Maintenant, je n’ai pas le même rapport avec la bible qu’avec ces livres que je lisais avant, de tout, des auteurs contemporains qui m’ont beaucoup accompagné. J’avais besoin de me plonger dedans, d’aller jusqu’au bout. Je n’ai plus la même faim avec la bible... ce n’est peut-être pas le même amour...

Pour moi, la lecture c’est ce qui a signé mon retour à la foi chrétienne. Je n’aimais pas lire, c’est la lecture de la Bible qui m’a redonné goût à la lecture. 

Tu as lu quoi ?

Les Actes des apôtres.

Oui, je comprends... 

Moi je ne lis plus tellement en ce moment... mais quand c’était une lecture de chevet, je voulais trouver quelque chose qui me parlait dans ce que je lisais : un verset, un mot qui me parlait par rapport à ce que je vivais. 

Oui ! Moi aussi...

Et puis il y a eu un moment où j’ai fait une lecture linéaire, de Genèse à l’Apocalypse... Incroyable. Tiens, je vais le refaire... un de ces jours... 

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