samedi 9 juin 2012

Jour 2 - Tous étrangers


Ma voisine de chambre s’appelle Anita, elle vient de Hongrie et fait son doctorat en théologie ; on s’était déjà rencontrées à l’aéroport de Jakarta au moment de l’embarquement sur le dernier avion (qui a été pas mal secoué par un orage d’ailleurs, oups les éclairs !). Ce matin au petit déjeuner j’ai rencontré Mario qui vient de Cuba, Nelson qui vient d’une communauté à l’Est de l’Indonésie et Matthew qui vient de Cambridge au Royaume-Uni, tous les trois en formation dans une faculté réformée (ou protestante au sens plus large) pour devenir pasteurs. Une des premières questions ici, après « what’s your name ? » et « where do you come from ? », c’est « do you want to be a minister ? » Et sans que ce soit très étonnant, il y a chez tous ces étudiants du monde entier la même singulière hésitation au moment de répondre. Cette histoire de vocation interne et de vocation externe, elle est la même pour tout le monde... En même temps, on est tous réformés, merci Monsieur Calvin pour la formulation du truc ! Nous constatons que notre formation est dépendante en bonne partie du lieu où nous nous trouvons. Pour Nelson, c’est la théologie contextuelle ; pour Mario, la théologie de la libération. Pour Matthew et moi, Européens, c’est peut-être un peu plus compliqué à définir, en tout cas nous sommes clairement héritiers de la théologie dialectique. Elvis vit dans un pays où les conflits entre communautés religieuses ont été sanglants il n’y a pas si longtemps et les enjeux sont à la fois immédiats et ancrés dans le contexte social, culturel et politique. Mario vient d’un pays où la religion n’a pas eu bonne presse sous le communisme et où les autres communautés que la communauté catholique n’ont pas d’existence reconnue. Tout au long de la journée, je prendrai conscience, un peu plus, de ce que notre théologie dépend largement de notre culture. A moins, comme nous nous efforcerons de le faire ici, de travailler ensemble à entendre les résonnances communes. 
Vers 18h, on entend depuis les dortoirs l’appel à la prière du muezzin. Au dîner, je rencontre une Anglaise, un Kenyan et un Américain, avocat pendant 20 ans et revenu aux études et qui va consacrer sa thèse à... la justice restaurative. Je pense que nous aurons de quoi discuter ! Ce soir, il y a eu un tour de table où chacun a pu dire en quelques mots son nom, son pays d’origine et le nom de son Église. J’ai eu comme un blanc. Comment ça se dit, EPUdF, en anglais ?
Et puis la soirée s’est conclue sur un temps de « worship », temps cultuel qui sera préparé, chaque matin et chaque soir, par les étudiants. Ce soir c’était le directeur des études qui nous donnait la prédication, sur le texte de Philippe et de l’eunuque : tous en mouvement... sommes-nous prêts, dans nos Églises, à suivre ce mouvement impulsé par un Autre et qui nous lance sur les chemins ? J’ajouterais à cela que nous sommes tous voyageurs, comme l’eunuque sur son chariot, lisant chacun de notre côté et qu’à un moment, la rencontre donne du sens et de la vie, elle ouvre même la voie du salut, toujours déjà là mais toujours à redire. Voyageurs, et étrangers sur la terre. Voyageurs qui se croisent le temps de la rencontre, étrangers qui deviennent des frères, le temps de se le dire.
Trois semaines s’annoncent, riches en rencontres, en déplacements, en interrogations.
Cette nuit, la voix d’un oiseau inconnu résonne de la même manière. On dirait un perroquet qui a le hoquet. « Quoi quoi quoi ? » Et bien monsieur l’oiseau, c’est ce qu’on va voir.

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