Ma voisine de chambre s’appelle
Anita, elle vient de Hongrie et fait son doctorat en théologie ;
on s’était déjà rencontrées à l’aéroport de Jakarta au
moment de l’embarquement sur le dernier avion (qui a été pas mal
secoué par un orage d’ailleurs, oups les éclairs !). Ce
matin au petit déjeuner j’ai rencontré Mario qui vient de Cuba,
Nelson qui vient d’une communauté à l’Est de l’Indonésie et
Matthew qui vient de Cambridge au Royaume-Uni, tous les trois en
formation dans une faculté réformée (ou protestante au sens plus
large) pour devenir pasteurs. Une des premières questions ici, après
« what’s your name ? » et « where do you
come from ? », c’est « do you want to be a
minister ? » Et sans que ce soit très étonnant, il y a
chez tous ces étudiants du monde entier la même singulière
hésitation au moment de répondre. Cette histoire de vocation
interne et de vocation externe, elle est la même pour tout le
monde... En même temps, on est tous réformés, merci Monsieur
Calvin pour la formulation du truc ! Nous constatons que notre
formation est dépendante en bonne partie du lieu où nous nous
trouvons. Pour Nelson, c’est la théologie contextuelle ; pour
Mario, la théologie de la libération. Pour Matthew et moi,
Européens, c’est peut-être un peu plus compliqué à définir, en
tout cas nous sommes clairement héritiers de la théologie
dialectique. Elvis vit dans un pays où les conflits entre
communautés religieuses ont été sanglants il n’y a pas si
longtemps et les enjeux sont à la fois immédiats et ancrés dans le
contexte social, culturel et politique. Mario vient d’un pays où
la religion n’a pas eu bonne presse sous le communisme et où les
autres communautés que la communauté catholique n’ont pas
d’existence reconnue. Tout au long de la journée, je prendrai conscience, un peu plus, de ce que notre théologie dépend largement de notre culture. A moins, comme nous nous efforcerons de le faire ici, de travailler ensemble à entendre les résonnances communes.
Vers 18h, on entend depuis les dortoirs
l’appel à la prière du muezzin. Au dîner, je rencontre une
Anglaise, un Kenyan et un Américain, avocat pendant 20 ans et revenu
aux études et qui va consacrer sa thèse à... la justice
restaurative. Je pense que nous aurons de quoi discuter ! Ce
soir, il y a eu un tour de table où chacun a pu dire en quelques
mots son nom, son pays d’origine et le nom de son Église. J’ai
eu comme un blanc. Comment ça se dit, EPUdF, en anglais ?
Et puis la soirée s’est conclue sur
un temps de « worship »,
temps cultuel qui sera préparé, chaque matin et chaque soir, par
les étudiants. Ce soir c’était le directeur des études qui nous
donnait la prédication, sur le texte de Philippe et de l’eunuque :
tous en mouvement... sommes-nous prêts, dans nos Églises, à suivre
ce mouvement impulsé par un Autre et qui nous lance sur les
chemins ? J’ajouterais à cela que nous sommes tous voyageurs,
comme l’eunuque sur son chariot, lisant chacun de notre côté et
qu’à un moment, la rencontre donne du sens et de la vie, elle
ouvre même la voie du salut, toujours déjà là mais toujours à
redire. Voyageurs, et étrangers sur la terre. Voyageurs qui se
croisent le temps de la rencontre, étrangers qui deviennent des
frères, le temps de se le dire.
Trois
semaines s’annoncent, riches en rencontres, en déplacements, en
interrogations.
Cette
nuit, la voix d’un oiseau inconnu résonne de la même manière. On
dirait un perroquet qui a le hoquet. « Quoi quoi quoi ? »
Et bien monsieur l’oiseau, c’est ce qu’on va voir.
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