Ce matin, nous avons un cours sur l’identité réformée. Nous
parlons, bien sûr de « Sola scriptura ». pour prendre un
exemple, nous parlons de la ligature d’Isaac (Gn 22,1-14) et de
l’obéissance d’Abraham. « The Lord will provide » se
trouve au centre de l’argumentation du professeur. Une question
soulevée par une étudiante mène le cours sur l’obéissance de
Jésus. Peut-on séparer la mort du Christ de sa naissance et de sa
résurrection ? qu’en est-il de son pouvoir, alors qu’il
aurait pu échapper à la mort ? À qui alors appartient ce
pouvoir ? Est-il un Dieu impuissant ? Que signifie « il
fallait qu’il meure ». Le professeur remet au centre « the
Lord will provide ». Jésus est non seulement victime mais
acteur de sa mort. Dieu a pris l’initiative mais Jésus lui aussi a
pris une initiative et nous sommes appelés à faire de même.
Le professeur demande : la mort du Christ sur la croix est-elle
une réconciliation des hommes (pardon, des humains) avec Dieu ?
Dans la théologie réformée, il semble qu’il y ait un rôle plus
actif à jouer de la part des hommes (humains !). Si quelqu’un
meurt pour moi sans que j’y puisse rien, ça n’a pas de sens. Si
la mort du Christ a du sens, alors il faut que les humains aient une
part à jouer. La mort du Christ sur la croix nous appelle au
changement. « God will provide, but he will not provide without
your initiative. » Même dans les moments les plus difficiles,
ne lâchez pas cette espérance. En déroulant le récit de ses
expériences, de sa jeunesse, de son travail actuel à la WCRC
(CMER), notre professeur nous exprime en quoi cette théologie est
pour lui vivante et irremplaçable. La vitalité de la foi – quand
l’obéissance signifie de ne jamais lâcher la certitude que « God
provides ». Vivre en réformés, avoir une identité réformée,
ce serait alors vivre de cette foi-là. Une foi qui nous oblige à
rester dans le nomadisme, toujours entre nomadisme et sédentarité
(Dt 26,5 ; Lc 9,58 ; Hb 13,14) : « in the end,
all depends on our moving along with God ».
Lorsqu’on a compris où se situe cette obligation d’obéissance,
on ne peut qu’en témoigner, le montrer, le vivre (« to live
out » en anglais) : il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux
hommes. On ne peut garder le silence (Ac 5,29). C’est le fondement
de la déclaration de Barmen, nous rappelle le professeur. Impossible
de rester silencieux.
Pourtant, le principe de Sola scriptura et le principe d’obéissance
ne fonctionnent que parce qu’il existe la liberté. Dieu ne veut
pas des marionnettes, mais des humains qui font des choix.
Pour une partie des étudiants, c’est évident, voire basique :
c’est le rappel des grands principes de la foi réformée. Il y a
pourtant des sourcils froncés et des questions, notamment sur le
concept de free will. Y a-t-il une possibilité de rentrer en
dialogue avec Dieu, voire en conflit, ou est-ce que l’obéissance
implique de se soumettre sans discussion ? Le professeur évoque
la prière à Gethsemané : « que ta volonté soit
faite » : bien sûr ça n’est pas simple, c’est en
tension en permanence. Mais au fond, l’identité réformée exige
que l’on obéisse, pas automatiquement et sans réfléchir, mais
obéir ; il faut alors penser au fils prodigue.
Et ce principe de Sola scriptura... au final, qui a l’autorité
pour interpréter la Bible. La réponse fuse : « only
you ! ». L’autorité vient de ce que la Bible a du sens
pour nous.
Je pense au discours de Gamaliel (Ac 5,34-40) : si ça doit
rester, ça restera. C’est peut-être ça, la foi, non ?
croire que c’est la bonne nouvelle dans tout ça qui va finir par
rester et parler. Encore une question en suspens !
Tout le monde est fatigué. Les amitiés en sortent renforcées,
parce que quand on est fatigué, on n’a pas l’énergie de parler
« to make a point », pour défendre bec et ongles une
opinion. On préfère se reposer sur une complicité suffisante pour
être sûr que même sans parler la même langue, on parle le même
langage. Et je me demande tout à coup si les dissensions dans nos
Églises prennent aussi leurs sources dans la fatigue : fatigue
d’une institution, fatigue des acteurs qui en font toujours plus ;
fatigue d’être soi, chrétiens dans un monde qui ne l’est pas ;
fatigue de chercher à défendre des causes qui semblent perdues ;
fatigue de vouloir continuer à croire qu’on peut défendre une
cause par nous-mêmes. Mais là aussi, nous savons où trouver le
fondement de notre joie malgré la fatigue : dans un lien
particulier avec celui qui nous rassemble. Amitié oui, comme celle
de Pierre : philein, on ne peut sans doute pas faire
beaucoup mieux. Mais amitié plus précieuse que tout parce qu’elle
nous permet de voir, au-delà de toutes nos fatigues, la trace d’une
grâce qui malgré tout nous rassemble. Alors si on devait poser la
question (saugrenue, je vous l’accorde, mais bon, la fatigue...)
« la théologie est-elle un sport de combat ? », je
répondrais non. La théologie est une course de fond ; et le
témoin est cette bonne nouvelle que, même sans savoir vraiment la
dire, nous pouvons partager et porter au monde.
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