mardi 26 juin 2012

Jour 20 - Obéissance


 Ce matin, nous avons un cours sur l’identité réformée. Nous parlons, bien sûr de « Sola scriptura ». pour prendre un exemple, nous parlons de la ligature d’Isaac (Gn 22,1-14) et de l’obéissance d’Abraham. « The Lord will provide » se trouve au centre de l’argumentation du professeur. Une question soulevée par une étudiante mène le cours sur l’obéissance de Jésus. Peut-on séparer la mort du Christ de sa naissance et de sa résurrection ? qu’en est-il de son pouvoir, alors qu’il aurait pu échapper à la mort ? À qui alors appartient ce pouvoir ? Est-il un Dieu impuissant ? Que signifie « il fallait qu’il meure ». Le professeur remet au centre « the Lord will provide ». Jésus est non seulement victime mais acteur de sa mort. Dieu a pris l’initiative mais Jésus lui aussi a pris une initiative et nous sommes appelés à faire de même.
Le professeur demande : la mort du Christ sur la croix est-elle une réconciliation des hommes (pardon, des humains) avec Dieu ? Dans la théologie réformée, il semble qu’il y ait un rôle plus actif à jouer de la part des hommes (humains !). Si quelqu’un meurt pour moi sans que j’y puisse rien, ça n’a pas de sens. Si la mort du Christ a du sens, alors il faut que les humains aient une part à jouer. La mort du Christ sur la croix nous appelle au changement. « God will provide, but he will not provide without your initiative. » Même dans les moments les plus difficiles, ne lâchez pas cette espérance. En déroulant le récit de ses expériences, de sa jeunesse, de son travail actuel à la WCRC (CMER), notre professeur nous exprime en quoi cette théologie est pour lui vivante et irremplaçable. La vitalité de la foi – quand l’obéissance signifie de ne jamais lâcher la certitude que « God provides ». Vivre en réformés, avoir une identité réformée, ce serait alors vivre de cette foi-là. Une foi qui nous oblige à rester dans le nomadisme, toujours entre nomadisme et sédentarité (Dt 26,5 ; Lc 9,58 ; Hb 13,14) : « in the end, all depends on our moving along with God ».
Lorsqu’on a compris où se situe cette obligation d’obéissance, on ne peut qu’en témoigner, le montrer, le vivre (« to live out » en anglais) : il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. On ne peut garder le silence (Ac 5,29). C’est le fondement de la déclaration de Barmen, nous rappelle le professeur. Impossible de rester silencieux.
Pourtant, le principe de Sola scriptura et le principe d’obéissance ne fonctionnent que parce qu’il existe la liberté. Dieu ne veut pas des marionnettes, mais des humains qui font des choix.
Pour une partie des étudiants, c’est évident, voire basique : c’est le rappel des grands principes de la foi réformée. Il y a pourtant des sourcils froncés et des questions, notamment sur le concept de free will. Y a-t-il une possibilité de rentrer en dialogue avec Dieu, voire en conflit, ou est-ce que l’obéissance implique de se soumettre sans discussion ? Le professeur évoque la prière à Gethsemané : « que ta volonté soit faite » : bien sûr ça n’est pas simple, c’est en tension en permanence. Mais au fond, l’identité réformée exige que l’on obéisse, pas automatiquement et sans réfléchir, mais obéir ; il faut alors penser au fils prodigue.
Et ce principe de Sola scriptura... au final, qui a l’autorité pour interpréter la Bible. La réponse fuse : « only you ! ». L’autorité vient de ce que la Bible a du sens pour nous.
Je pense au discours de Gamaliel (Ac 5,34-40) : si ça doit rester, ça restera. C’est peut-être ça, la foi, non ? croire que c’est la bonne nouvelle dans tout ça qui va finir par rester et parler. Encore une question en suspens !
Tout le monde est fatigué. Les amitiés en sortent renforcées, parce que quand on est fatigué, on n’a pas l’énergie de parler « to make a point », pour défendre bec et ongles une opinion. On préfère se reposer sur une complicité suffisante pour être sûr que même sans parler la même langue, on parle le même langage. Et je me demande tout à coup si les dissensions dans nos Églises prennent aussi leurs sources dans la fatigue : fatigue d’une institution, fatigue des acteurs qui en font toujours plus ; fatigue d’être soi, chrétiens dans un monde qui ne l’est pas ; fatigue de chercher à défendre des causes qui semblent perdues ; fatigue de vouloir continuer à croire qu’on peut défendre une cause par nous-mêmes. Mais là aussi, nous savons où trouver le fondement de notre joie malgré la fatigue : dans un lien particulier avec celui qui nous rassemble. Amitié oui, comme celle de Pierre : philein, on ne peut sans doute pas faire beaucoup mieux. Mais amitié plus précieuse que tout parce qu’elle nous permet de voir, au-delà de toutes nos fatigues, la trace d’une grâce qui malgré tout nous rassemble. Alors si on devait poser la question (saugrenue, je vous l’accorde, mais bon, la fatigue...) « la théologie est-elle un sport de combat ? », je répondrais non. La théologie est une course de fond ; et le témoin est cette bonne nouvelle que, même sans savoir vraiment la dire, nous pouvons partager et porter au monde.  


Aucun commentaire: