mercredi 27 juin 2012

Jour 21 – Unité : « The Reformed Family »


Un de nos meilleurs cours ici, c’est « Calvin pour les nuls ». On prend le temps de reprendre les grands thèmes du réformateur genevois, histoire de rappeler en quoi sa théologie informe la théologie réformée contemporaine. Nous parlons, bien sûr, de la prédestination, un thème qui pose clairement problème, ici et maintenant. Ceci dit, je ne peux pas m’empêcher de penser à une clarification donnée par JDC dans un cours d’éthique en début d’année : le thème de la prédestination n’occupe que quelques pages dans la totalité des milliers de pages écrites par Calvin. De plus, il me semble me souvenir (mais corrigez-moi si je me trompe, les amis) qu’il s’agissait d’une question ecclésiologique au premier chef : affirmer après Augustin, Thomas et les autres l’existence de la prédestination, c’est affirmer aussi que personne ne peut savoir qui fait partie de l’Eglise des prédestinés, un argument particulièrement important face à l’Eglise du temps et ses institutions qui affirment que le salut ne peut venir que de l’appartenance à l’Eglise instituée. Église visible, Église invisible. Ca a toujours la même force aujourd’hui. Et je crois que c’est quelque chose sur quoi il ne faut pas lâcher dans le dialogue inter-religieux : personne ne sait, sauf Dieu lui-même qui sera sauvé. Et alors ?
Par ailleurs, hier, une représentante de la World Communion of Reformed Churches (WCRC, en français CMER, Communion mondiale des Églises réformées), l’organisme qui organise le GIT, nous a présenté l’organisation qui est basée à Genève. Le but principal de cette organisation est de « répondre à la mission de Dieu », et cela s’entend essentiellement par l’encouragement de l’unité parmi les Églises membres, avec le slogan « Called to communion, committed to justice ». L’ERF (et donc à présent l’EPUdF) fait partie de la CMER. De nombreuses actions sont mises en place (notamment dans le domaine du genre (gender justice) dans une perpective de construction d’une plus grande justice sociale et ecclésiale, par la lutte contre « a culture of domination that results in the perpetuation of conditions of brokenness and suffering in the body of Christ », d’où l’intérêt pour la mise en valeur de « positive masculinities » et la promotion de l’ordination des femmes dans les Églises membres, ce qui n’est pas le cas dans toutes actuellement), des études sont faites, des réflexions sont en cours en permanence, des formations sont mises en place, il y a même des confessions de foi qui sont rédigées régulièrement (comme la confession d’Accra, la plus récente, qui appelle à « lire les signes du temps » pour prendre conscience de la souffrance de la création, faire face à la destruction de notre terre et poser une ferme critique du système idéologique international menant à l’injustice économique). La justice, le respect de la création, la lutte contre la pauvreté, sont des thèmes centraux, tout cela sous le signe de l’unité. « On ne peut pas rester silencieux : il n’est plus temps d’être silencieux, il faut agir, enough is enough : c’est toute la création de Dieu qui réclame la justice. »
Et vous, que pensez-vous de ce thème de l’unité ? Est-ce quelque chose pour lequel on doive lutter ? Est-ce utile, est-ce nécessaire ? Est-ce indispensable ? Cela fait-il partie de la mission de l’Eglise ?
La question me semble tout à fait centrale dans la théologie réformée. Mais il y a peut-être deux façons, subtilement différentes, de voir la question. D’un côté, on peut considérer que l’unité est une promesse, une promesse donnée par Dieu. De l’autre côté, on peut dire que l’unité est non seulement nécessaire mais impérative, parce que c’est là ce que Dieu exige de nous, sachant que l’Eglise est le corps du Christ.
Sommes-nous une grande famille ? Dans le temps cultuel ce soir, nous avons célébré notre fraternité. Et à la vérité, j’ai été touchée par le partage de la lumière, chacun allumant sa bougie à la bougie de son voisin, par les chants de cette assemblée qui se lance avec joie et espérance dans une langue inconnue qui célèbre un Dieu commun, par les embrassades qui célèbrent la joie d’être ensemble. Peut-être qu’au bout de ces deux semaines et demi, je comprends un peu mieux l’émotion qui unit... peut-être que je peux être touchée à mon tour. « Tu penses trop », me dit-on. Sans doute. J’aurai pris quelques bonnes leçons au passage.
Je rentrerai en France plus riche de nombreuses interrogations. Plus consciente aussi de la qualité de l’enseignement que nous recevons à l’IPT, de la richesse de notre tradition intellectuelle, et du besoin de s’enrichir d’autres traditions malgré la difficulté de les rencontrer. Le GIT a réussi à réunir des gens très différents, qui pensent des choses différentes et les expriment de bien des façons. A-t-on pu s’entendre ? Souvent en tout cas, on s’est au moins écouté. On a pu partager des moments étonnants, émouvants, frustrants, incompréhensibles, humains.
On a partagé aussi le temps, les rythmes quotidiens. Pour certains, ces quelques jours représentent une parenthèse dans une vie tellement remplie qu’ils n’ont plus le temps de penser. Pour d’autres, c’est le temps inespéré de la rencontre avec d’autres, ceux notamment qui sont au milieu de la rédaction de leurs mémoires universitaires et ne voient plus du monde que leur écran et leurs livres. Chacun retournera riche de la compréhension de ce que c’était pour l’autre.
Mais je parle comme si c’était déjà fini... Il reste quelques jours. Avant que la parenthèse ne se referme sur un point d’interrogation suivi de beaucoup de points de suspension...

1 commentaire:

Remuccino a dit…

merci toujours Pascale... merci de faire part de cette diversité et de la possibilité d'union, de communion malgré tout, même si ce n'est qu'un moment... c'est beau, de savoir que c'est possible d'être ensemble avec les différences et de vivre cette Rencontre, en dehors d'une simple fédération, où l'on vit les uns à côté des autres, mais pouvoir se faire proche. Re-procher pourquoi pas, si c'est pour se rapprocher et ne pas rester dans l'indifférence et la méfiance de l'autre.
ah c'est beau...
Bon, il y a juste ces panneaux qui m'intriguent, c'est où, c'est quoi?
héhé, j'ose espérer que ce n'est pas l'image d'une Eglise de laquelle on ne peut plus sortir!
D'ailleurs, j'aime beaucoup, une image surtout vétérotestamentaire et ce mouvement "entrer-sortir" caractéristique de ceux qui gouvernent... c'est repris dans le nouveau testament aussi et peut-être souvent par rapport à la foule, à la ville et tel ou tel lieu. oui, l'Homme/Femme, et être de décisions, est appelé à entrer et sortir, se recueillir et accueillir. ..
bon, pour ce qui est de la prédestination... euh, pourquoi pas... (mon défaut , c'est que j'aime bien entendre les mots dans ce qu'ils me disent aujourd'hui, en les isolant de tous les débats qu'ils peuvent soulever). donc prédestination, si on y voir un chemin proposé à tous avant de prendre une destination, oui, c'est peut-être ça la grâce gratuite offerte à tous. Puis, chacun prend sa destination, son chemin, ses choix. euh, j'écris en réfléchissant, n'est-ce pas... mais profondément, "chépa quoi!", je ne sais pas et quel bonheur!
Merci donc!