Un de nos meilleurs cours ici, c’est « Calvin pour les
nuls ». On prend le temps de reprendre les grands thèmes du
réformateur genevois, histoire de rappeler en quoi sa théologie
informe la théologie réformée contemporaine. Nous parlons, bien
sûr, de la prédestination, un thème qui pose clairement problème,
ici et maintenant. Ceci dit, je ne peux pas m’empêcher de penser à
une clarification donnée par JDC dans un cours d’éthique en début
d’année : le thème de la prédestination n’occupe que
quelques pages dans la totalité des milliers de pages écrites par
Calvin. De plus, il me semble me souvenir (mais corrigez-moi si je me
trompe, les amis) qu’il s’agissait d’une question
ecclésiologique au premier chef : affirmer après Augustin,
Thomas et les autres l’existence de la prédestination, c’est
affirmer aussi que personne ne peut savoir qui fait partie de
l’Eglise des prédestinés, un argument particulièrement important
face à l’Eglise du temps et ses institutions qui affirment que le
salut ne peut venir que de l’appartenance à l’Eglise instituée.
Église visible, Église invisible. Ca a toujours la même force
aujourd’hui. Et je crois que c’est quelque chose sur quoi il ne
faut pas lâcher dans le dialogue inter-religieux : personne ne
sait, sauf Dieu lui-même qui sera sauvé. Et alors ?
Par ailleurs, hier, une représentante de la World Communion of
Reformed Churches (WCRC, en français CMER, Communion mondiale des
Églises réformées), l’organisme qui organise le GIT, nous a
présenté l’organisation qui est basée à Genève. Le but
principal de cette organisation est de « répondre à la
mission de Dieu », et cela s’entend essentiellement par
l’encouragement de l’unité parmi les Églises membres, avec le
slogan « Called to communion, committed to justice ».
L’ERF (et donc à présent l’EPUdF) fait partie de la CMER. De
nombreuses actions sont mises en place (notamment dans le domaine du
genre (gender justice) dans une perpective de construction
d’une plus grande justice sociale et ecclésiale, par la lutte
contre « a culture of domination that results in the
perpetuation of conditions of brokenness and suffering in the body of
Christ », d’où l’intérêt pour la mise en valeur de
« positive masculinities » et la promotion de
l’ordination des femmes dans les Églises membres, ce qui n’est
pas le cas dans toutes actuellement), des études sont faites, des
réflexions sont en cours en permanence, des formations sont mises en
place, il y a même des confessions de foi qui sont rédigées
régulièrement (comme la confession d’Accra, la plus récente, qui
appelle à « lire les signes du temps » pour prendre
conscience de la souffrance de la création, faire face à la
destruction de notre terre et poser une ferme critique du système
idéologique international menant à l’injustice économique). La
justice, le respect de la création, la lutte contre la pauvreté,
sont des thèmes centraux, tout cela sous le signe de l’unité.
« On ne peut pas rester silencieux : il n’est plus temps
d’être silencieux, il faut agir, enough is enough :
c’est toute la création de Dieu qui réclame la justice. »
Et vous, que pensez-vous de ce thème de l’unité ? Est-ce
quelque chose pour lequel on doive lutter ? Est-ce utile, est-ce
nécessaire ? Est-ce indispensable ? Cela fait-il partie de
la mission de l’Eglise ?
La question me semble tout à fait centrale dans la théologie
réformée. Mais il y a peut-être deux façons, subtilement
différentes, de voir la question. D’un côté, on peut considérer
que l’unité est une promesse, une promesse donnée par Dieu. De
l’autre côté, on peut dire que l’unité est non seulement
nécessaire mais impérative, parce que c’est là ce que Dieu exige
de nous, sachant que l’Eglise est le corps du Christ.
Sommes-nous une grande famille ? Dans le temps cultuel ce soir,
nous avons célébré notre fraternité. Et à la vérité, j’ai
été touchée par le partage de la lumière, chacun allumant sa
bougie à la bougie de son voisin, par les chants de cette assemblée
qui se lance avec joie et espérance dans une langue inconnue qui
célèbre un Dieu commun, par les embrassades qui célèbrent la joie
d’être ensemble. Peut-être qu’au bout de ces deux semaines et
demi, je comprends un peu mieux l’émotion qui unit... peut-être
que je peux être touchée à mon tour. « Tu penses trop »,
me dit-on. Sans doute. J’aurai pris quelques bonnes leçons au
passage.
Je rentrerai en France plus riche de nombreuses interrogations. Plus
consciente aussi de la qualité de l’enseignement que nous recevons
à l’IPT, de la richesse de notre tradition intellectuelle, et du
besoin de s’enrichir d’autres traditions malgré la difficulté
de les rencontrer. Le GIT a réussi à réunir des gens très
différents, qui pensent des choses différentes et les expriment de
bien des façons. A-t-on pu s’entendre ? Souvent en tout cas,
on s’est au moins écouté. On a pu partager des moments étonnants,
émouvants, frustrants, incompréhensibles, humains.
On a partagé aussi le temps, les rythmes quotidiens. Pour certains,
ces quelques jours représentent une parenthèse dans une vie
tellement remplie qu’ils n’ont plus le temps de penser. Pour
d’autres, c’est le temps inespéré de la rencontre avec
d’autres, ceux notamment qui sont au milieu de la rédaction de
leurs mémoires universitaires et ne voient plus du monde que leur
écran et leurs livres. Chacun retournera riche de la compréhension
de ce que c’était pour l’autre.
Mais je parle comme si c’était déjà fini... Il reste quelques
jours. Avant que la parenthèse ne se referme sur un point
d’interrogation suivi de beaucoup de points de suspension...
1 commentaire:
merci toujours Pascale... merci de faire part de cette diversité et de la possibilité d'union, de communion malgré tout, même si ce n'est qu'un moment... c'est beau, de savoir que c'est possible d'être ensemble avec les différences et de vivre cette Rencontre, en dehors d'une simple fédération, où l'on vit les uns à côté des autres, mais pouvoir se faire proche. Re-procher pourquoi pas, si c'est pour se rapprocher et ne pas rester dans l'indifférence et la méfiance de l'autre.
ah c'est beau...
Bon, il y a juste ces panneaux qui m'intriguent, c'est où, c'est quoi?
héhé, j'ose espérer que ce n'est pas l'image d'une Eglise de laquelle on ne peut plus sortir!
D'ailleurs, j'aime beaucoup, une image surtout vétérotestamentaire et ce mouvement "entrer-sortir" caractéristique de ceux qui gouvernent... c'est repris dans le nouveau testament aussi et peut-être souvent par rapport à la foule, à la ville et tel ou tel lieu. oui, l'Homme/Femme, et être de décisions, est appelé à entrer et sortir, se recueillir et accueillir. ..
bon, pour ce qui est de la prédestination... euh, pourquoi pas... (mon défaut , c'est que j'aime bien entendre les mots dans ce qu'ils me disent aujourd'hui, en les isolant de tous les débats qu'ils peuvent soulever). donc prédestination, si on y voir un chemin proposé à tous avant de prendre une destination, oui, c'est peut-être ça la grâce gratuite offerte à tous. Puis, chacun prend sa destination, son chemin, ses choix. euh, j'écris en réfléchissant, n'est-ce pas... mais profondément, "chépa quoi!", je ne sais pas et quel bonheur!
Merci donc!
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